
Sommaire de l'ouvrage

Comment les entreprises peuvent-elles faire face, selon vous, aux multiples transformations ?
Téléphone portable, Internet, réseaux sociaux... Je pense que les entreprises ont à chaque fois à s’adapter à d’énormes transformations. Elles doivent aussi désormais les anticiper, face à un contexte en perpétuel changement. Au cœur de ces transformations, il faut porter une vision, celle de là où l’on souhaite amener l’entreprise. Ensuite, il y a les chocs et les ruptures, comme aujourd’hui avec l’IA générative, où je n’aurais jamais imaginé que depuis mon téléphone, je pourrais parler à un nouvel « IAmi » qui répond aux questions que je lui pose. Pas étonnant donc qu’à chaque fois que l’on innove, il y a un choc de rupture, amenant le changement à tous ceux qui pensent que le passé est mieux... Il nous faut alors, en tant que dirigeants, conduire et accompagner les transformations. De mon côté, j’ai toujours porté une vision très optimiste, afin de pousser nos équipes vers le mieux et améliorer l’expérience client proposée.
Quel est le contexte du Groupe SNCF vis-à-vis de la triple accélération actuelle (digitale, durable et organisationnelle) ?
Il y a tout d’abord un contexte particulier pour le Groupe SNCF, qui est celui d’un marché à forte croissance, avec beaucoup de réflexions autour de l’optimisation de la logistique et du transport décarboné. L’accélération du Groupe est intrinsèquement portée par le développement durable, ce qui nécessite de faire des efforts et de trouver de nouvelles solutions pour, d’une part, accroître la part modale du train et, d’autre part, réduire l’impact environnemental direct de l’entreprise. Le développement durable agit donc à la fois comme un levier de croissance extrêmement fort et comme un levier d’action de la transformation. C’est une chance aussi, puisque les entreprises qui, intrinsèquement, portent le développement durable, attirent plus que jamais de nouveaux talents.
Concernant le futur des organisations, il y a le sujet autour de la transition démographique et du vieillissement de la population mais aussi de la réindustrialisation de la France, post-crise sanitaire, et donc de nouvelles attentes des collaborateurs d’une part, et un véritable besoin d’ancrage local, au
niveau des territoires d’autre part.
Enfin, sur le sujet de l’intelligence artificielle, j’ai la conviction qu’il s’agit d’une révolution majeure et que cela va avoir des impacts extrêmement forts dans les organisations : nouveaux modes de travail, nouveaux modes de production, nouvelles expériences client, etc. Le Groupe SNCF compte 270 000 collaborateurs donc on évalue les risques et les opportunités. L’équilibre entre innovation et responsabilité est un enjeu clé. L’accompagnement des collaborateurs est donc majeur et c’est pourquoi la SNCF s’est dotée d’une école du numérique au service de cet accompagnement.
Quels sont les grands chantiers en cours à la SNCF ?
En matière de développement durable, le train est nativement un moyen de transport décarboné, mais nous continuons à réfléchir à l’activation de nouveaux leviers pour faciliter son accès, notamment concernant l’intermodalité, ou sur notre impact écologique direct, avec la sobriété énergétique, la création d’électricité via des panneaux photovoltaïques, la conception éco-durable... Il faut aussi penser à l’humain en améliorant continuellement la qualité de vie au travail.
Concernant l’IA, ce n’est pas un sujet nouveau à la SNCF puisqu’elle fait partie de ces technologies sur lesquelles nous misons pour transformer le ferroviaire depuis plusieurs années. Quant à l’IA générative, nous avons démarré assez rapidement sur le sujet, avec la mise en place de SNCF Groupe GPT, un outil interne, totalement sécurisé et exclusif à notre entreprise, nous permettant d’explorer les possibilités infinies de l’IA générative. Ce qui amène de nouvelles réflexions mais aussi un nouveau de point de vue de la part de la nouvelle génération de talents qui arrivent, qui ont été formés et habitués à penser et à créer avec l’IA générative pendant leurs études. Nous avons aujourd’hui déterminé 10 cas d’usage à faire avancer de façon prioritaire comme la prédiction de retard de train ou l’interrogation des 70 000 référentiels internes environ via la GenIA, sur un mode conversationnel.
Comment répondre aux besoins croissants de mobilité?
Il y a deux sujets : il faut d’abord que le système de mobilité soit organisé. C’est-à-dire que pour encourager le train, il faut que les gares soient facilement accessibles, tant pour y arriver que pour en repartir, avec une connexion facilitée. Ensuite, avec la démocratisation des outils numériques, il faut que ceux-ci puissent faciliter la recherche de mobilité, trouver son trajet, acheter son billet et ce, dans une logique multimodale : si je dois prendre d’abord un train puis un bus pour arriver à ma destination finale, puis-je prendre un ticket global, où se trouve la connexion pour faire le changement...
Comment les nouvelles technologies peuvent aider à améliorer la sécurité, la ponctualité et l'efficacité opérationnelle ?
Concernant la sécurité, les capteurs IoT installés sur les voies ferrées permettent de détecter les anomalies qui pourraient survenir et aident les équipes de maintenance à intervenir au plus tôt. La surveillance des infrastructures est ainsi améliorée, dans une logique de prévention, avec l’IA et l’analyse prédictive qui participent à prévenir des pannes potentielles avant qu'elles n'arrivent.
Sur le sujet de la ponctualité, l’IA contribue à avoir une vision en temps réel du trafic ferroviaire pour en améliorer la gestion. Là aussi, elle permet également de prévoir des retards, en liant par exemple les conditions météorologiques avec les données de trafic.
Enfin, la cybersécurité représente un métier à part, où les analyses réalisées servent à prévenir et mieux contrer les risques d’attaques informatiques. Depuis 2020, nous avons mis en place une salle de gestion de crise exemplaire. Enfin, au-delà des outils, nous nous sommes également engagés à former nos collaborateurs, afin que chacun développe de bons réflexes.
Comment le Groupe SNCF encourage l'innovation ouverte et la collaboration intersectorielle ?
Nous avons de gros budgets pour la recherche et le développement, ce qui nous permet de déposer régulièrement de nouveaux brevets. Enfin, plusieurs partenariats ont été déployés (académiques, avec des écoles, etc.). En outre, nous avons « 574 invests », qui permet de soutenir des entrepreneurs et d'investir dans des start-ups, ainsi qu’une école du numérique. Toutefois, concernant l'agilité organisationnelle et la capacité d'innovation, nous restons tout de même une entreprise industrielle, avec un mode de fonctionnement assez lourd. Il y a un certain nombre de sujets sur lesquels les processus peuvent encore être simplifiés, et des réflexions sont en cours concernant la décentralisation des chaînes décisionnelles. Un grand programme appelé « simplification » va ainsi être lancé à la rentrée et sera diffusé dans toute l'entreprise. Il vise notamment à alléger la charge mentale afin de créer plus d'efficacité.
Entretien réalisé au 1er semestre 2024 dans le cadre de l'ouvrage Comment réussir votre stratégie de triple accélération