Quelles observations faites-vous de l'avancée rapide de l'intelligence artificielle ?
Il est évident que les dirigeants considèrent leur capacité à innover comme un élément clé de leur compétitivité. Les entreprises du numérique ont bien compris ces nouveaux enjeux et travaillent donc sur des solutions pour intégrer l’IA générative dans les sociétés, tout en prenant en compte les enjeux de responsabilité environnementale, d’inclusion et d’éthique, afin de favoriser un usage sûr et respectueux de la société. La GenIA est donc appelée à se faire une place de choix non seulement au niveau des entreprises du numérique mais également chez leurs clients qui seront de plus en plus nombreux à l’utiliser au quotidien. Nous devons nous saisir de l’IA pour qu’elle soit au service de tous et non l’inverse. Cette technologie doit être considérée comme un vecteur de progrès qui promet de révolutionner notre productivité et de nombreux aspects de notre société. Par conséquent, son utilisation doit s’inscrire dans une démarche éthique et responsable : c’est une des conditions essentielles qui lui permettra de tenir toutes ses promesses au bénéfice du plus grand nombre. En ce sens, nous avons développé, avec nos partenaires, un référentiel de bonnes pratiques intitulé « Ethical AI », pour aider les entreprises à développer une IA respectueuse de l’humain et de la planète.
"L’intelligence artificielle générative est donc appelée à se faire une place de choix non seulement au niveau des entreprises du numérique mais également chez leurs clients"
Quelles sont les conditions pour créer une “IA éthique” ?
Une IA peut être qualifiée d’éthique si elle est respectueuse des données personnelles, équitable (qui s’attache à ne pas créer ou reproduire de la discrimination et favorise l’inclusion), transparente dans son fonctionnement (ses conclusions peuvent s’expliquer et être auditables), loyale dans sa relation avec les êtres humains, maîtrisée (elle reste sous le contrôle de l’humain) et sûre (elle est sécurisée et robuste face aux cyberattaques). Il est par ailleurs impératif de considérer la gouvernance de l’IA au plus haut niveau de l’entreprise, afin de se prémunir des risques juridiques et éthiques. L’IA ne peut être laissée aux seules mains des spécialistes techniques, car elle nécessite une approche holistique et des prises de décisions de haut niveau. Une gouvernance spécifique doit être mise en place pour définir et appliquer une politique d’IA alignée sur des valeurs éthiques et respectueuses de la réglementation et des droits fondamentaux humains. Cette politique encadrera les projets d’IA avec des processus standardisés pour sécuriser les questions éthiques. La gouvernance devra évaluer les risques, arbitrer les tensions entre performance et éthique, et assurer la conformité aux réglementations.
"Nous devons nous saisir de l’IA pour qu’elle soit au service de tous et non l’inverse"
Quelles sont vos actions pour promouvoir des pratiques plus durables ?
En tant que premier syndicat des entreprises du numérique en France, Numeum joue un rôle crucial pour accompagner le secteur à s’inscrire dans une trajectoire de performance à impact positif, c’est-à- dire aider nos entreprises à se développer sur le plan économique en intégrant les dimensions sociales, sociétales et environnementales. Notre secteur a une double responsabilité : agir pour réduire son empreinte environnementale comme l’ensemble des filières, mais aussi parce que le numérique est lui-même un levier incontournable de la transition écologique des autres secteurs d’activité. Ainsi, une filière GreenTech est en train de se structurer pour piloter l’impact du numérique, le mesurer et aider à prioriser les actions en vue de la réduction de son empreinte carbone. À ce propos, plus de 2 emplois sur 5 dans la French Tech proviennent désormais d’une startup GreenTech ou industrielle.
Développer un numérique responsable fait d’ailleurs partie des priorités de mon mandat au sein de Numeum. C’est un engagement fort qui s’est notamment concrétisé par le lancement de Planet Tech’Care en 2020, un collectif qui réunit aujourd’hui 60 associations et 1 000 entreprises, toutes engagées pour mettre l’innovation au service de la transition écologique, et faire du numérique un allié et non un adversaire du développement durable. Les actions de Numeum sur ces sujets d’impact sont donc plurielles, que ce soit à destination des adhérents (programme et parcours dédiés), ou bien des actions collectives au niveau de l’écosystème (étude autour des enjeux d’IA et d’environnement, événement GreenTech Forum) ou encore via une participation active à des actions pilotées par les pouvoirs publics (pilotage de deux groupes de travail dans le cadre de la Feuille de route de décarbonation du numérique permettant d’identifier de premiers leviers et mesures d’action concrets de décarbonation).
Comment Numeum soutient également la transformation organisationnelle des entreprises ?
Les enjeux sont en effet multiples : croissance et compétitivité, transformation numérique, recrutement des talents… Depuis mon élection à la présidence de Numeum, j’ai fixé trois grandes priorités qui guident l’action de Numeum : les territoires, pour accompagner les adhérents en région ; les compétences, pour répondre aux défis de la pénurie de talents, de la mixité et de l’attractivité de nos métiers ; et le numérique responsable, pour accompagner et soutenir le développement d’un écosystème numérique dans une trajectoire d’impact positif sur le plan économique, social, sociétal et environnemental à l’échelle européenne, nationale et locale. Notre ambition est donc de dépasser les problématiques propres à chaque entreprise pour porter une vision commune de la filière que nous représentons au service de l’accélération de la transformation des entreprises françaises.
Quelles sont les futures tendances que vous anticipez à horizon 2030 ?
Le numérique est hautement stratégique et pourtant, nous souffrons d’une pénurie importante de talents. Les recrutements sont aujourd’hui le premier frein à la croissance du secteur. À ce titre, nous travaillons en étroite collaboration avec France Travail à travers notamment notre programme « Numéric’Emploi », un dispositif né en région autour de la réinsertion professionnelle par le numérique des personnes éloignées de l’emploi.
Nous sommes également à un véritable tournant à l'ère de l'adoption massive des IA, non seulement au niveau des entreprises du numérique, mais aussi chez leurs clients et utilisateurs. Numeum s’intéresse de près à cette transformation profonde, qui s’accompagne de nombreux défis que nous adressons autour du triptyque : “comprendre”, “accompagner” et “protéger”. Il s’agit de définir le cadre dans lequel tirer parti de ces nouveaux outils de manière responsable, d’en faire un moteur de compétitivité, tout en accompagnant les nécessaires évolutions réglementaires.
D’une manière plus prospective, la technologie quantique représente un formidable enjeu auquel s’adressent nombre d’acteurs majeurs de l’écosystème français et mondial. Cette innovation permettra, sans aucun doute, de renforcer ce lien indéfectible entre technologie et société dans les prochaines années. C’est là toute la conviction que nous portons au quotidien. Pour un numérique plus durable, responsable et soucieux des attentes de la société.
Pour finir, je dirais que nous sommes à un point d’inflexion où l’Europe et la France doivent se saisir de ces nouveaux défis et innovations pour accélérer la numérisation de l’économie et gagner en productivité face aux États-Unis et à la Chine. C’est pourquoi Numeum travaille avec les institutionnels, pour qu’ils puissent prendre en compte le rôle majeur du numérique, moteur de la transformation sociale, sociétale, environnementale et économique.
"L’IA ne peut être laissée aux seules mains des spécialistes techniques, car elle nécessite une approche holistique et des prises de décisions de haut niveau."
Entretien réalisé au 1er semestre 2024 dans le cadre de l'ouvrage Comment réussir votre stratégie de triple accélération
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