témoignage Triple accélération

Nous ne cherchons pas à accumuler des données, mais plutôt à en assurer la qualité

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Stanislas Duthier
CHIEF INFORMATION SYSTEMS OFFICER
GROUPE ROCHER
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Sommaire de l'ouvrage

Le Groupe Rocher a développé nativement une approche “Data-Driven”, liée à ses racines dans la vente par correspondance, où la data constituait déjà un élément central pour acquérir de nouveaux clients et ensuite, les fidéliser. Aujourd’hui, dans un contexte d’expérience client omnicanale, l’utilisation de la data est tout aussi importante et vient s’enrichir de l’intégration de l’intelligence artificielle pour nourrir l’ensemble des activités de l’entreprise, allant d’une personnalisation de plus en plus fine des communications à des prises de décision en interne mieux éclairées et moins intuitives.

Quels sont aujourd’hui vos enjeux liés à votre approche “data driven”?

Nous avons une approche « data driven » native, mais qui s’est aussi naturellement renforcée avec le temps, devenant cruciale dans la prise de décisions stratégiques à travers l’entreprise. La data permet désormais des décisions moins intuitives et plus fondées sur des analyses précises, ce qui est essentiel étant donné l’ampleur des données que nous gérons. La transformation majeure réside dans l’intégration des compétences IT et métiers à travers une structure de travail collaboratif et solidaire, ce qui favorise une dynamique positive et efficace parmi les équipes. Avec l’appui de technologies avancées comme les plateformes de Google, nous surmontons les défis associés à la qualité des données. Toutefois, l’enjeu principal demeure la gouvernance des données, particulièrement la définition claire de la propriété des données client.

Comment votre architecture data soutient-elle une expérience client omnicanale ?

En tant que CIO du Groupe Rocher, je peux témoigner de l'ampleur de notre réseau, à travers nos 9 marques et leurs différents canaux et points de contacts, tels que nos 10 000 magasins à l'échelle mondiale, les sites e-commerce, ou encore des systèmes de vente directe. La gestion de notre approche omnicanale* ne relève plus du développement mais est déjà une réalité intégrée. Nous disposons d’une plateforme de données robuste, développée en interne, qui était initialement basée sur une Customer Data Platform mais que nous avons entièrement reconstruite avec de l’open source et la Google Cloud Platform. Cette transformation digitale interne représente un atout stratégique majeur pour nous, offrant une flexibilité et une intégration poussée de l’IP dans nos opérations, ce qui renforce notre capacité à répondre de manière cohérente et intégrée aux besoins des clients sur tous nos canaux.

En quoi l'intégration de l'IA dans vos systèmes CRM et CDP va  permettre une personnalisation à plus grande échelle ?

Cette intégration va nous permettre de générer du contenu personnalisé de manière dynamique, comme l'envoi d'emails adaptés aux préférences individuelles de chaque client, basés sur des données précises. Concernant les projets à court terme, soit dans les 18 prochains mois, nous envisageons d'exploiter l'IA pour optimiser nos services clients via des chatbots et améliorer l'interaction dans nos centres de services. Cependant, pour des projets plus complexes tels que la gestion totale des prévisions ou la conduite de notre politique promotionnelle par l'IA, nous regardons un horizon de 36 mois. Toutefois, Il est essentiel de trouver un équilibre entre l'utilisation de technologies avancées et le maintien d'un contact humain, surtout dans des domaines où la personnalisation et l'interaction directe sont cruciaux.

Comment l’Intelligence Artificielle permet de soutenir votre approche axée sur les données ?

 L’utilisation de l’intelligence artificielle nous pousse à mettre l’accent non seulement sur la gouvernance et la technologie mais aussi sur les talents nécessaires pour gérer ces domaines. Ce renforcement se manifeste particulièrement dans la qualité des données : nous ne cherchons pas à accumuler des données, mais plutôt à en assurer la qualité et à les utiliser de manière ciblée. Cela est essentiel car l’utilisation de l’IA entraîne également une augmentation de la consommation d’énergie et des coûts, ce qui nécessite une gestion prudente. De plus, les cas d’usage de l’IA ne se limitent plus aux seules branches numériques de l’entreprise mais s’étendent à tous les secteurs, y compris le juridique et les ressources humaines. L’IA générative*, en particulier, enrichit notre discours par une nouveauté : l’interactivité. Elle nous permet d’interagir en langage naturel, de nous adapter et de faire des corrections en temps réel, offrant ainsi une capacité d’interaction jusqu’alors inédite !


Quels sont vos projets actuels en matière d’intégration de l’IA ?

Dans les 18 à 24 mois à venir, le Groupe Rocher s'engage dans des projets significatifs où l'intelligence artificielle jouera un rôle central. Nous utiliserons l'IA pour enrichir notre contenu numérique, notamment dans la création de fiches produits et dans la traduction de nos contenus pour assurer une cohérence globale sur toutes nos plateformes. Un autre domaine d'application concerne la production de contenus visuels digitaux, où nous devons également aborder les questions éthiques liées à la création d'images générées par IA.
Au-delà de ces applications orientées client, l'IA sera également déployée pour optimiser nos processus internes. Par exemple, dans les départements des ressources humaines, des achats et juridiques, l'IA aidera à trier, analyser et résumer les documents, améliorant notre efficacité opérationnelle.
En termes de développement technique, nous prévoyons d'intensifier l'intégration de l'IA avec des solutions de low-code et de RPA (automatisation robotisée des processus), ce qui renforcera notre agilité opérationnelle.
Enfin, nous explorons également la possibilité de conduire des réunions en langage naturel assistées par l'IA, tirant parti des données pour rendre ces interactions plus efficaces.

Comment accompagnez-vous l’acculturation des équipes à l’IA ?

Nous avons investi dans la formation de nos équipes à travers des programmes comme celui proposé par Mendo, pour les acculturer à l’IA, et nous encourageons la remontée de nouveaux cas d’utilisation. Cette initiative est essentielle pour intégrer l’IA de manière plus profonde dans nos processus métiers.

Où en êtes-vous du rapprochement entre IA et Internet des Objets (IOT) ?

Au niveau de la chaîne d'approvisionnement, l'intégration de l'intelligence artificielle et de l'Internet des objets (IoT) est cruciale, notamment pour répondre aux exigences légales et réglementaires croissantes en matière de traçabilité. Cette demande de transparence accrue ne concerne pas seulement nos marques, mais s'étend à tous les acteurs de notre écosystème, incluant les fournisseurs de matières premières et les transporteurs. Les besoins en traçabilité vont nous amener à coupler l’IoT, la data et l’IA pour suivre de manière précise notre chaîne de valeur, des matières premières à la distribution de nos produits finaux. Ces technologies permettront de tracer chaque étape du processus de production et de distribution, en assurant que toutes les informations pertinentes sont collectées et stockées de manière sécurisée dans le cloud. Cette infrastructure permettra également une accessibilité facilitée des données via des API, assurant une intégration transparente avec les systèmes de nos partenaires. Ce niveau de suivi répond non seulement aux exigences de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), mais instaure également un nouveau standard de transparence et d'efficacité au sein de notre industrie. L’IA permettra une prise de décision en temps réel proactive, ce qui améliorera notre qualité et notre productivité.

Comment accompagner le changement sans inquiéter ?

La mise en œuvre de l'automatisation des processus robotisés (RPA) illustre bien les défis internes que nous rencontrons, notamment en matière de résistance au changement. Le RPA vise à automatiser les tâches répétitives qui ne génèrent pas de valeur ajoutée significative, comme l'entrée de données pour une facture. Cela devrait théoriquement libérer nos employés pour qu'ils se concentrent sur des activités plus stratégiques et enrichissantes. Cependant, nous observons parfois une certaine réticence, qui peut être attribuée à une méconnaissance des avantages concrets du RPA ou à une appréhension face à l'idée que ces outils pourraient remplacer les fonctions humaines. Il est clé pour nous de répondre à ces inquiétudes par une communication claire sur les bénéfices du RPA, non seulement en termes d'efficacité, mais aussi en améliorant la qualité du travail de nos collaborateurs en éliminant les tâches monotones.

Quelle posture avez-vous face aux menaces de cyberattaques ?

Nous adoptons une approche proactive face à la cybersécurité, en nous concentrant sur l'analyse et la gestion des divers risques. Nous avons renforcé notre équipe de cybersécurité et amélioré nos infrastructures pour mieux répondre à ces défis. Notre stratégie repose sur l'établissement d'un SOC (Security Operations Center) et l'implémentation de technologies avancées telles que les WAF (Web Application Firewalls) et les principes du Zero Trust. Nous renforçons également la sécurité de notre Active Directory (AD) à travers des solutions de gestion des identités et des accès, notamment le PAM (Privileged Access Management), et nous assurons la sécurité industrielle par des mesures de ségrégation rigoureuses. Notre approche est mesurée : nous évitons la panique et adoptons une stratégie basée sur l'analyse des risques. Cela est crucial, car même les organisations les plus sécurisées peuvent subir des attaques majeures. Cela renforce notre conviction que la gestion des risques, plutôt que la simple prévention des menaces, est essentielle pour naviguer dans le paysage complexe de la cybersécurité moderne. Par ailleurs, les sujets tels que les interruptions d'activité et la chaîne d'approvisionnement représentent une gestion collaborative, impliquant notre Directeur Administratif et Financier (DAF), ainsi que nos directeurs des usines et de la supply chain.

En quoi le Green IT est-il devenu une préoccupation majeure ?

En raison notamment de l'impact environnemental croissant du matériel informatique, plus nous déployons de modèles d'intelligence artificielle, plus nous avons besoin de capacités de calcul élevées, ce qui augmente logiquement notre consommation d'énergie. Cette réalité nous pousse à réévaluer continuellement l'efficacité de notre infrastructure IT. Nous observons une tendance vers l'adoption de modèles intermédiaires (MLM), qui possèdent moins de paramètres que les grands modèles linguistiques (LLM), mais qui restent efficaces pour accomplir les tâches requises. Cette approche nous permet de réduire notre empreinte énergétique sans compromettre les performances. Ce mouvement s'inscrit dans un cadre plus large de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), qui inclut la responsabilité numérique. Un exemple concret que nous encourageons est la gestion numérique responsable par nos utilisateurs, comme le tri des photos numériques afin de minimiser l'espace de stockage inutile, qui, lui aussi, a un coût énergétique. Ce type de pratique contribue à réduire notre impact environnemental global.

Quelle organisation IT accompagne votre transformation digitale ?

Afin de ne pas submerger les équipes avec de multiples possibilités de transformation, notamment dans le domaine digital, nous avons mis en place une gestion rigoureuse de portefeuille en collaboration étroite avec nos unités d'affaires. Nous avons également adopté une organisation en mode produit au sein de la DSI, ce qui permet à chaque équipe de gérer ses propres capacités. Les équipes définissent elles-mêmes leur capacité d'investissement et priorisent leurs projets en conséquence. Par exemple, dans le domaine de l'e-commerce, une équipe peut disposer d'un budget d'investissement spécifié ; il leur incombe alors de décider comment allouer ces ressources pour maximiser l'impact. Cette approche capacitaire assure une autonomie accrue et une meilleure adaptation aux exigences spécifiques de chaque domaine. Nous utilisons également des méthodes de PI planning, où les équipes métier et IT planifient ensemble les programmes à venir. Cette méthode collaborative élimine les discussions inutiles et les pressions inefficaces venant de la direction, permettant ainsi une exécution plus fluide et centrée sur les objectifs réels de l'entreprise.

Comment l’utilisation de la data en logistique participe également à réduire votre impact environnemental ?

Dans le cadre de notre engagement à intégrer des pratiques durables à travers toute notre chaîne de valeur, notre objectif est d'introduire une plus grande quantité de données dans les processus quotidiens de nos équipes chargées du manufacturing et de la logistique. Ces données vont permettre d’optimiser notre gestion des prévisions et des stocks, un élément crucial pour réduire non seulement les coûts opérationnels, mais aussi diminuer notre impact environnemental (en ligne avec les obligations du Scope 3). Plus nous pouvons précisément prévoir et rationaliser nos stocks, moins nous avons de capital immobilisé inutilement, ce qui contribue à une meilleure efficacité financière et écologique. Ces chantiers sont essentiels pour soutenir nos objectifs de durabilité et de réduction de l'empreinte carbone à travers toute notre chaîne d'approvisionnement.

“Nous envisageons d'implanter des systèmes IoT dans nos usines pour suivre de manière précise les différents composants de nos produits”

Entretien réalisé au 1er semestre 2024 dans le cadre de l'ouvrage Comment réussir votre stratégie de triple accélération

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