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Quelle est la vision stratégique du Groupe Pierre & Vacances - Center Parcs et comment avez-vous adapté votre organisation ?
Au sein du Groupe Pierre & Vacances-Center Parcs, qui se compose de quatre marques touristiques – Pierre & Vacances, Center Parcs, Adagio et Maeva –, nous avons adopté une vision qui s’applique à toutes nos marques et qui se décline en trois axes stratégiques : l’aspect client avec une approche expérientielle et immersive, la contribution positive en RSE, et enfin la performance économique pour générer du cash, réinvestir et ainsi répondre aux engagements pris vis-à-vis de nos actionnaires.
Chacun de ces sujets est piloté par un responsable et comprend des contributeurs, incluant un lead métier et des contributeurs transversaux. L’avantage de cette organisation est de permettre à chacun des collaborateurs de se sentir impliqué, créant une réelle dynamique collaborative au service d’objectifs qui font sens. Par ailleurs, nous avons détaillé auprès de tous les employés notre plan de transformation du groupe, qui comprend 200 chantiers. Ainsi, dans une démarche de réelle transparence, chacun peut savoir sur quels projets il est lead et sur lesquels il est contributeur. Enfin, le prochain défi, entre l’organisation et l’IA, est plus difficile car il pose la question de l’évolution de notre secteur, des attentes clients, des actions des concurrents... Comment alors simuler différents scénarios pour prendre les bonnes décisions aujourd’hui ? C’est là où nous en sommes actuellement.
Comment accompagnez-vous les changements organisationnels ?
Un défi que j’identifie est la perte de repères. Autrefois, chaque personne avait un domaine de responsabilité très clair et peu changeant, avec des objectifs précis. Cependant, les adaptations nécessaires actuelles nous poussent à accepter une vision qui, tout en étant précise et structurée, comprend également des étapes préliminaires et des objectifs qui sont constamment remis en question et mis à jour de manière très fréquente. Cela entraîne souvent une dilution des responsabilités. Bien que la vision à long terme soit claire et que nous sachions ce que nous allons faire, il reste le défi de définir clairement les domaines de responsabilité au sein de ce cadre changeant.
Quelles sont vos actions concernant l'application de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) au sein du Groupe Pierre & Vacances - Center Parcs ?
La RSE en tant que pilier de la stratégie Réinvention est devenue notamment un critère déterminant pour obtenir le financement des investisseurs, plus à l’écoute de projets qui promeuvent de réelles initiatives «vertes», en lien par exemple avec la ZAN (Zéro Artificialisation Nette), avec le développement des territoires ou encore l’économie d’énergie et l’utilisation d’énergies décarbonées. Pour nous, c’est un aspect crucial. À cet égard, nous avons ouvert nos livres de comptes, révélant précisément notre empreinte carbone*, qui est aujourd’hui de 1 million de tonnes pour le groupe, en prenant en compte l’ensemble du séjour du client (son trajet, l’hébergement, la restauration, et tous les achats pour opérer, rénover et construire nos sites). Nous avons annoncé un objectif de réduction de 51% de nos émissions de CO2 d’ici 2030, détaillant par marque les Scopes 1 et 2 et avons engagé un plan d’action pour réduire drastiquement nos consommations d’énergie et développer les énergies renouvelables, en partenariat avec les propriétaires. Nous avons également mis en place un reporting complet et transparent pour clarifier ces points. Et sur le Scope 3 qui représente 80% de notre empreinte carbone*, la moitié est liée aux déplacements des clients qui viennent majoritairement en voiture. C’est pourquoi nous encourageons l’usage de moyens de transport plus écologiques comme le train et avons établi des partenariats avec la SNCF en ce sens. Nous allons également engager nos fournisseurs dans la maîtrise et la baisse de l’intensité carbone de leurs produits et services. En complément, un vaste programme de formation sur ces enjeux est actuellement en cours au sein du Groupe pour développer une réelle culture de cette transition écologique et sociale.
Par ailleurs, nous avons l’exemple de notre dernier domaine Center Parcs dans le Lot-et- Garonne qui est aujourd’hui alimenté par une chaufferie biomasse*, ce qui se traduit par la couverture de 90% de nos besoins de chauffage des espaces aquatiques par une énergie locale et renouvelable. Notre approvisionnement en biomasse se fait dans un rayon de 40 kilomètres maximum.
Autre exemple, la restauration. Nous avons travaillé avec notre partenaire et 70% des références de produits frais proviennent des régions Nouvelle Aquitaine ou d’Occitanie.
Comment mesurez-vous les dépenses énergétiques et la quantification de votre impact environnemental ?
Nous disposons de 45 800 unités d'hébergement, qu'il s'agisse d'un appartement Pierre et Vacances ou d'un cottage Center Parcs, avec des profils de propriétaires variés, comme des bailleurs institutionnels qui peuvent être propriétaires d'équipements, de restaurants ou d'une centaine de cottages. Nous agissons en tant qu’exploitant touristique, et pilotons à ce titre les consommations, avec des objectifs de baisse précis. Par exemple, lorsque vous n'êtes pas dans votre appartement, il n’est pas nécessaire de laisser le chauffage à une température trop élevée. Nous gérons le chauffage de manière centralisée et le réduisons lorsque vous êtes absent, puis le réactivons une heure avant votre retour pour que vous ayez chaud.
Par ailleurs, au-delà de notre activité de gestionnaire, nous souhaitons engager les propriétaires dans une dynamique d’amélioration de la performance énergétique. C’est aussi notre devoir de les informer et de les responsabiliser. Nous avons également deux autres sujets clés : l'eau et la biodiversité, qui sont fondamentaux. Nous cherchons à protéger la biodiversité et à renaturer. Le prochain Center Parcs, qui sera sur un site proche de 0 émission en exploitation grâce au recours à des énergies renouvelables, ouvrira au Danemark en mars 2025. Les sources d'énergie que nous souhaitons privilégier incluent la géothermie, la biomasse et l'énergie solaire. Nous avons réalisé un diagnostic de l'ensemble de nos parcs pour identifier la source d'énergie la plus adaptée afin de répondre à l'objectif de réduction de notre empreinte carbone liée aux consommations d’énergie de 51 % d'ici 2030. Par exemple, pour nos 29 domaines Center Parcs, bien qu'il y ait des disparités, dans certains cas, nous avons pu choisir la géothermie et prévoir une extension de 500 nouveaux cottages exploitant cette technologie. Ailleurs, ce sera plutôt la biomasse. Chaque parc doit adopter une source d'énergie alternative au gaz. Ce diagnostic nécessite des investissements de plusieurs centaines de millions d'euros. C'est pourquoi tout soutien, subvention ou aide à la transition énergétique doit s'accompagner d'un véritable modèle d'affaires.
Comment l’IT et le digital nourrissent l’approche servicielle du groupe ?
Nous nous sommes interrogés sur la manière dont l'IT et la data peuvent servir tout le monde, mais aussi sur comment chaque secteur peut contribuer à l'IT et à la data. Cela concerne le marketing, l'e-commerce, les ventes, le merchandising, et bien sûr la RSE. Par exemple, quand nous nous engageons à réduire nos émissions de carbone de 51 %, nous devons définir le point de départ et les étapes annuelles pour atteindre cet objectif d'ici 2030. Typiquement, dans un Center Parcs, la moitié de la consommation provient de l'Aqua Mundo et l'autre moitié des hébergements. Pour mesurer notre progression dans notre transition énergétique du carboné au décarboné, cela nécessite, par exemple, l’installation de capteurs et un suivi des opérations, de la qualité de la maintenance… L’utilisation des nouvelles technologies et du digital doit donc avoir une utilité concrète, puisque nous restons un secteur de service. Nous sommes positionnés sur le tourisme de proximité, et nos clients sont proches des destinations proposées par nos marques touristiques. Et nos clients continueront à se rendre physiquement sur leur lieu de vacances.
Et qu’en est-il de votre feuille de route “Data-Driven ?
L’analyse des données au service de l’amélioration de la performance concerne aujourd’hui de multiples champs d’action, à commencer par la relation client et l’expérience que nous leur offrons, dès la réservation jusqu’à la fin de leur séjour. Aujourd’hui, 85 % des ventes se font en direct. Cela concerne aussi un suivi précis du parcours de nos collaborateurs (durée des postes, évolution des collaborateurs, etc.) permettant, par exemple, de prédire des risques de départ et de mettre en place des actions en conséquence. Cela s’applique également au suivi de nos propriétaires (plus de 18 000), en les interrogeant sur leur niveau de satisfaction et en observant la performance énergétique de leur résidence. Nous avons donc beaucoup investi dans la Business Intelligence et, d’un point de vue organisationnel, nous avons mis en place un “Chairman Cockpit" qui irrigue tous les secteurs : finance, RH, opérations, etc. Par ailleurs, je constate que le secteur du tourisme partage assez librement ses tendances de marché, ce qui permet de vérifier si nous suivons la tendance ou si nous nous en écartons, et quelles sont les évolutions du secteur.
Où en êtes-vous de la personnalisation de l’expérience client ?
Un client sur deux chez nous est un "repeater", un client fidèle. Nous n'adressons pas ce type de client de la même manière que ceux qui nous visitent pour la première fois. Pour un nouveau client, l'approche se veut très rassurante. Par exemple, il est systématiquement appelé par notre service clients. Quant à notre clientèle d’habitués, nous cherchons plutôt à comprendre ses préférences pour personnaliser l'ensemble du parcours et de l’expérience client, de la réservation jusqu'à leur arrivée. Cette personnalisation est facilitée par notre application, utilisée par plus de 50 % de nos clients, qui les guide et les oriente. L'application permet également d'optimiser leur parcours en intégrant toutes leurs informations et en tenant compte de leurs réservations précédentes. L’utilisation de l’IA nous aide à construire des parcours types et à suggérer notamment des offres complémentaires adaptées à chaque client pour une personnalisation à grande échelle.
“Chacun des collaborateurs doit se sentir impliqué dans la vision stratégique du groupe”
Entretien réalisé au 1er semestre 2024 dans le cadre de l'ouvrage Comment réussir votre stratégie de triple accélération