Comment le Groupe Bel aborde cette accélération durable ?
Nous sommes convaincus que c’est précisément en exploitant le potentiel déterminant de l’alimentation que nous pouvons avoir un impact positif :
en proposant des produits accessibles, bons pour la santé, justes pour les producteurs et meilleurs pour la planète. Nous pouvons ainsi contribuer à l’évolution des comportements alimentaires. C’est pourquoi nous souhaitons ouvrir la voie à un nouveau modèle alimentaire plus durable, sain et accessible à tous, c’est notre mission et c’est ce qui guide toutes nos actions stratégiques.
Pour relever ce défi, nous avons fait de la performance durable le cœur de notre modèle, qui repose sur deux piliers : la responsabilité et la rentabilité. Ce modèle de croissance intègre étroitement les performances financières et extra- financières, avec une approche qui ancre nos engagements à tous les niveaux de l’entreprise. Ainsi, cette stratégie, impulsée par notre président et notre comité exécutif, se décline progressivement à travers toute notre chaîne de valeur et sur l’ensemble des processus de décision.
Quels sont, plus précisément, les engagements qui ont été pris ?
Au cœur de ce modèle de croissance, nous avons placé la responsabilité sociétale et environnementale (RSE) ainsi que la création de valeur partagée. Sous la direction de Frédéric Médard, notre Chief Impact Officer, nous avons associé la direction financière et la direction RSE, garantissant ainsi un pilotage conjoint entre performance financière et durable. La gestion des ressources joue également un rôle crucial dans cette transformation stratégique.
Par ailleurs, en février 2022, le Groupe Bel a annoncé renforcer son ambition carbone, pour contribuer à limiter le réchauffement climatique sous la barre de 1,5°C. Cet engagement implique pour le Groupe Bel de réduire au maximum ses émissions de gaz à effet de serre (GES) sur l’ensemble de sa chaîne de valeur : de la ferme à l’assiette, et en tenant compte de la croissance du groupe (réduction de 1/4 des émissions de CO2 d’ici à 2035 comparé à 2017). Cela passe par l’adaptation des usines du groupe (optimisation de l’énergie, recours aux énergies renouvelables), par la diversification de notre portefeuille produits entre les portions de lait, de fruit et de végétal pour donner à chacun les moyens de réduire l’impact de son alimentation, ainsi que par la mise en place de pratiques agricoles régénératrices.
Quel est l’impact local du Groupe Bel ?
Le groupe est né dans le Jura, il y a près de cent-soixante ans. Son rayonnement est désormais international mais résulte de cet ancrage territorial fort, qui a donné naissance à la première marque centenaire du groupe, La Vache qui rit, fruit de l’alliance de la production de fromage avec le savoir- faire horloger (micromécanique) jurassien. Ainsi, en France, notre présence régionale continue d’être importante, avec des implantations majeures, tant à l’Ouest (Pacy-sur-Eure, Évron, Sablé-sur-Sarthe, Chef-du-Pont), qu’à l’Est (Lons-le-Saunier, Dole, Boué) où parfois plusieurs générations d’une même famille travaillent pour le Groupe. Le lait qui entre dans la composition des produits Babybel, Kiri ou Boursin est exclusivement produit dans le bassin laitier des Pays de la Loire dans lequel sont implantées nos usines Babybel et Kiri, et Boursin en Normandie. Cette proximité, qui favorise le développement économique local, contribue aussi au renforcement du lien avec le territoire et à l’attachement de nos salariés et des habitants au niveau local, à l’entreprise, à ses marques et à son savoir-faire multigénérationnel.
Ensuite, notre recherche de diversification au fil du temps nous a amenés à nous implanter dans de nombreux pays tout en continuant à rechercher cette proximité à la fois avec le bassin agricole des matières premières et les consommateurs. Par exemple, nous sommes installés au Maroc depuis près de 50 ans et notre usine de Tanger est aujourd’hui la première usine du groupe pour la production de Vache qui rit en volume. Nous avons développé dans cette usine des expertises fortes qui sont aujourd’hui amenées à se déplacer pour partager leur savoir-faire dans d’autres usines.
Quelles actions ont été mises en place pour soutenir vos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ?
En 2017, le Groupe Bel a fixé de premiers objectifs de réduction des émissions de GES couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur, qui ont ensuite été revus et validés en 2022 avec une trajectoire encore plus ambitieuse. Ce nouvel engagement implique une réduction nette d’1/4 des émissions de gaz à effet de serre du Groupe d’ici 2035.
Pour cela, nous avons choisi de commencer par agir sur notre périmètre de responsabilité immédiat : nos usines. Les émissions de gaz à effet de serre des sites industriels du Groupe Bel sont principalement liées aux processus de fabrication des différents produits et au mix énergétique utilisé. De manière plus marginale, les fuites de fluides frigorigènes ainsi que la consommation de carburant de la flotte de véhicules contribuent également aux émissions.
Quels sont les piliers de votre trajectoire énergétique ?
Notre stratégie énergétique repose sur 3 piliers : optimiser et réduire les consommations, renforcer l'efficacité énergétique, et accélérer la transition vers des énergies d’origine renouvelable.
Par exemple, sur l’un de nos sites, celui d’Évron, en Mayenne, qui produit la marque Mini Babybel®, nous avons mis en place un programme d’amélioration continue, EsaBel (Energy Saving at Bel), ainsi que qu’un recueil de bonnes pratiques pour suivre les consommations d’énergie et les réduire.
Nous avons aussi renforcé l’efficacité énergétique en combinant un système de récupération de chaleur au niveau des pompes à chaleur, pour qu’elle soit ensuite réutilisée.
Enfin, nous avons accéléré la transition vers des énergies d’origine renouvelable et, depuis 2017, 100 % de l’électricité utilisée sur le site est issue de sources renouvelables. En 2022, nous sommes même allés plus loin, en installant une chaudière biomasse de 6,6 MW, couvrant 70 % des besoins thermiques du site, tout en réalisant une réduction d’environ 8 500 tonnes d’émissions de CO2 par an. Pour alimenter cette chaudière, nous nous approvisionnons en ressources issues de forêts gérées durablement auprès de coopératives et d’acteurs proches de l’usine (Pays de la Loire, Bretagne et Normandie).
La question de la gestion de l’eau est également primordiale : quelles sont les actions engagées ?
En effet, c’est un sujet important, tant pour notre amont agricole que pour nos usages industriels. Nous sommes conscients que les ressources en eau ont une incidence directe sur la capacité de résilience à long-terme de l’agriculture, d’autant que nous dépendons fortement de cette ressource pour la production laitière et fruitière, ainsi que pour le fonctionnement de nos usines, dont certaines sont situées dans des zones soumises à un stress hydrique.
C’est pourquoi, depuis 2008, Bel a bâti un plan, le programme WasaBel (Water Saving at Bel), qui vise à réduire les consommations d’eau nécessaires à nos activités et à améliorer la qualité des rejets. Aujourd’hui, notre stratégie de gestion responsable de l’eau est orientée selon les 5 “R” : Refuser (toute consommation d’eau qui pourrait être évitée), Réduire, Réutiliser, Restaurer et Recycler. Concrètement, nous améliorons les nettoyages en récupérant les eaux de rinçage, pour les réutiliser en pré-rinçage, ou bien nous éliminons la perte d'eau pendant les refroidissements par la mise en place de technologies sèches ou de boucles de recirculation. Pour reprendre l’exemple de l’usine d’Évron, nos plans d’action nous ont permis de réduire la consommation d’eau de l’usine de plus de 30 % en ratio (m³/tonne) depuis 2008.
Nous nous sommes également engagés à mesurer notre empreinte eau, “de la fourche à la fourchette”. Cette approche s’appuie sur notre longue expérience en matière de mesure de la consommation d’eau dans nos usines. Ainsi, en 2023, Bel a été l’une des premières entreprises au monde à réaliser ce type d’évaluation concernant l’eau, sur l’ensemble de la chaîne de valeur.
Comment impliquer l’ensemble des acteurs, au-delà de l’usine ?
Notre responsabilité s’étend effectivement bien au-delà des portes de nos usines. L’amont laitier, par exemple, pèse pour près de 68 % de notre bilan carbone. En France, pour accompagner les éleveurs dans la transition, nous avons donc choisi de travailler en partenariat et de co-construire un prix du lait fixé à l’année, leur permettant d’avoir une visibilité sur leurs revenus ainsi que sur leurs capacités d’investissement dans la transition. Nous soutenons la mise en place de pratiques vertueuses, comme le pâturage, qui a un impact à la fois sur la capacité de la terre à capter le CO2 et à retenir l’eau, ou l’alimentation non-OGM des vaches, avec des primes. L’accompagnement de la filière lait dans la transition est indispensable.
Comment le déploiement de technologies innovantes vient en soutien de vos engagements durables ?
Au cœur de l’industrie, la transformation digitale permet de créer des connexions entre les personnes ainsi qu’entre les processus et les données, pour faciliter l’accès à la bonne information, au bon moment, et pour l’ensemble des parties prenantes. Cet accès à l’information est essentiel pour que chaque collaborateur puisse se saisir de l’enjeu protéiforme d’agir pour améliorer la nutrition et son impact environnemental.
Dans ce but, nous avons noué un partenariat unique et de long terme avec Dassault Systèmes, avec le déploiement de la solution Perfect Production, dotée de l’intelligence artificielle. Elle va permettre de soutenir nos collaborateurs qui œuvrent à améliorer l'efficacité et la durabilité de nos processus de fabrication dans 11 de nos usines à travers le monde. Grâce à une donnée unifiée, nous pourrons notamment optimiser le niveau des stocks et celui des consommations de matières premières pour produire de manière plus durable.
Nous avons également noué un partenariat avec la start-up Climax pour réduire considérablement le temps nécessaire à la création de nouvelles recettes 100 % végétales. En effet, l’utilisation de l’IA permet de trouver rapidement les bonnes combinaisons d’ingrédients accessibles (plantes, graines et végétaux), nutritionnellement et gustativement qualitatifs, et à faible impact sur l'environnement, alors qu’il faudrait des années avec des processus traditionnels. L’IA nous permet donc d'accélérer une phase particulièrement laborieuse dans la R&D de nouvelles recettes. Nous pouvons ainsi nous concentrer sur la tâche consistant à tester et à affiner les meilleures options, c’est-à-dire les recettes qui répondent déjà aux meilleurs critères (nutritionnels, gustatifs et environnementaux). On entre ainsi dans une logique d'expérimentation ciblée.
Entretien réalisé au 1er semestre 2024 dans le cadre de l'ouvrage Comment réussir votre stratégie de triple accélération