Luxe : de l’expérience client à l'expérience produit, identifier les nouvelles attentes des consommateurs
Les 7 dimensions du futur de la beauté et de la mode
Longtemps peu présents sur le digital, du fait de l’expérience client jugée limitée, les secteurs du luxe et de la beauté se sont vraiment engagés dans la bataille depuis 2020. Mais une expérience digitale “luxueuse” c’est quoi ? Pour débuter ce HUBTALK, Perle Bagot évoque les 7 moteurs d’innovation en matière de cosmétique-beauté :
- le diagnostic et le suivi en temps réel (IOT, appareils domestiques, capteurs, IA…)
- les recommandations adhoc holistiques ( santé, coaching alimentaire/gym, développement personnel…)
- le contenu, les expériences et les offres adaptées (coach vie personnelle, communauté privées…)
- les produits sur mesure (via le packaging ou le produit lui-même, la personnalisation à partir de l’ADN…)
- les traitements et services de beauté (Soin de spa, chirurgie légère/plastique…)
- le quick Commerce (opéré pour le retail digital, en DTC, les marketplaces…)
- un service client unifié et réactif (concierge, chatbot, App…)
L’expérience client ne se concentre plus sur la transaction ou sur le produit mais sur une expérience au long court. Une expérience tout au long de l’année à différents niveaux, à travers différents services, à différents moments de l’acte d’achat.
- Perle Bagot, Directrice Associée, (HUB Institute)
Pour aller plus loin : "Luxe, Mode, Beauté & E-Commerce; quelles spécificités et quelles innovations ?"
User Testing : l’enjeu de l’empathie
En préambule de la conférence, Jessica Khater, Senior Solutions Consultant, EMEA chez User Testing , revient sur l’empathie dans un contexte commercial, “cette capacité de savoir se mettre dans la peau des autres” . 75% des entreprises se disent focalisées sur le client mais seulement 30% des clients sont du même avis, d’après une étude menée par Capgemini. “Cet écart de perception entre les entreprises et les clients correspond à l’empathy gap chez User Testing” Aujourd'hui les consommateurs, les clients valorisent l’empathie pour construire une relation de confiance avec une marque, c'est donc la clef de la fidélisation. Il devient essentiel pour les marques de se différencier en créant plus d’engagement et de fidélité.
Les clients valorisent l’empathie, ils veulent pouvoir faire confiance à une marque, se sentir important et se faire écouter. Ils construisent cette relation au progressivement via de multiples canaux.
- Jessica Khater, Senior Solutions Consultant, EMEA (User Testing)
Pour développer l'empathie, les marques peuvent compter sur des insights qualitatifs à l’intersection entre les thick data (basées sur des données qualitatives) et le big data (basé sur des données quantitatives), recueillis à partir de témoignages clients. Les données quantitatives recueillies via le CRM, les Analytics digitaux et les outils de Customer Experience Management sont coûteux mais néanmoins incomplets. Pour comprendre finement les parcours d’achat client et les points de contact, les données empathiques sont nécessaires, en particulier pour aborder de nouvelles cibles comme les hommes sur la cosmétique ou le luxe, mais aussi les Millenials qui représenteront 50 % des consommateurs en 2025.
De nouvelles tendances émergent en e-commerce et des technologies comme la réalité augmentée offrent de nouveaux gisements de données. Toutefois, 63% des entreprises n’ont pas encore intégré ces nouveaux processus pour comprendre le client. L’intégration des données qualitatives est donc un enjeu essentiel, conclut-elle.
Hitachi Solutions : la mise en musique de la personnalisation en multicanal
Rob Worsley, Head of Data & Analytics de Hitachi Solutions, revient sur l’importance de la donnée dans le processus de personnalisation de l’expérience client dans le secteur de la mode. D’après une étude publiée en octobre 2021 par Mckinsey & Company, les entreprises de mode ayant intégré la donnée pour personnaliser l’expérience client ont vu leurs ventes e-commerce augmenter plus que la moyenne, de l’ordre de 30 à 50%. Une interface personnalisée sur tous les canaux permet d’obtenir une croissance de revenus de 10 à 20%, en optimisant l'assortiment des produits et entraînant une augmentation des prévisions de 1 à 3%. Si la visibilité des produits est améliorée, les marges peuvent augmenter de 1 à 2%. Enfin en intégrant la contextualisation dans les processus de vente, les revenus augmentent de 4 à 6% supplémentaires.
Tous ces facteurs ont comme dénominateur commun la data. En exploitant toutes ces sources de données, il est possible de mieux comprendre le client, de mieux personnaliser les expériences et de mieux comprendre la situation dans les magasins et dans les stocks.
- Rob Worsley, Head of Data & Analytics (Hitachi Solutions)
Illustration concrète de ces tendances, Hitachi Solutions a collaboré avec Doc Martens, marque iconique de chaussures anglaises, sur “Reboot”, un projet de transformation digitale orienté data, avec 5 enjeux forts :
- Créer une stratégie digitale pour favoriser la croissance.
- Proposer un business model multicanal.
- Mettre en place une plateforme flexible pour faciliter la prise de décision.
- Investir plus vite dans les magasins déjà en place pour maximiser les interactions avec les clients.
- Se développer davantage à l’international.
Le projet mené par Hitachi Solutions s'est appuyé sur Microsoft Dynamics 365 pour mettre en place une intégration des données business. L'outil permet notamment une vue en temps réel des stocks et des réapprovisionnements automatisés. Cette visibilité globale permet une meilleure prise de décision, pour personnaliser les interactions avec le client, développer l'activité internationale et permettre des analyses approfondies qui nourrissent la stratégie.
Insider : l’enjeu de l’hyperpersonnalisation
Avec l’explosion des canaux de conversation, il est nécessaire de rationaliser ses actions marketing. Lorsque le choix des canaux et des outils se révèle plus chronophage que le message lui-même, la marque peut se perdre dans sa volonté de personnalisation. Avec la complexité accrue de l’utilisation des données third party (cookies), la meilleure solution afin de mieux connaître son client pour mieux l’adresser est bien celle de la first party data, celle que la marque collecte directement.
Certaines marques travaillent sur la notion d'hyper personnalisation afin de s'adresser à leur client de la meilleure des manières. Elles ont un meilleur taux de conversion, un meilleur panier moyen et donc un meilleur impact sur leur business, notamment sur le business digital.
- Fayçal Bouhdadi, Country Manager France (Insider)
Cependant, aujourd’hui peu de marques suivent cette notion d’hyperpersonnalisation. Pour faire de l’hyperpersonnalisation une réalité concrète, Insider, plateforme unifiée de données cross-canal a aidé Horace, marque de cosmétique pour homme au départ 100% digitale, à mieux personnaliser les interactions avec ses clients en l’absence de point de vente. La problématique d’Horace est alors d’améliorer l’expérience client digitale tout en boostant les objectifs business (amélioration du taux de conversion, du panier moyen), avec 2 focus importants en cosmétique : le second achat et le replenishment (comment mieux s'adresser à son client avant que son produit préféré n’arrive en rupture de stock).
Plusieurs types d’expériences ont été mis en place :
- l’expérience de Social Shopping (hyperpersonnalisation dans la phase découverte d’un produit)
- la recommandation produit à l’aide de l’IA, avec à la clef une amélioration du taux de conversion
- des notifications pushs basées sur des scénarios tels que l’abandon de panier ou la recommandation panier.
- la “preuve sociale”, c'est-à-dire la mise en avant des meilleurs avis produit au cours de la navigation
Akeneo : conjuguer tradition et innovation
Le luxe est balayé par une vague de changement radical. Outre les changements de comportement liés à la pandémie, c’est le public lui-même qui change : en Chine 50% des acheteurs du Luxe ont moins de 30 ans. Les marques doivent s’adapter à ces mutations, tout en conservant leur tradition et leurs valeurs. Pour Simine Forissier, Customer Success Manager d’Akéneo, “tous les codes ont changé”.
Le secteur du luxe est un marché traditionnel et très fragmenté. Il a souvent eu un temps de retard sur le digital.
- Simine Forissier, Customer Success Manager (Akeneo)
Un exemple significatif : la marque d’horlogerie Ulysse Nardin, propriété du groupe Kering, qui existe depuis 175 ans compte 400 points de vente à travers le monde. Si elle a été à la pointe de nombreuses innovations comme le chronomètre, la marque n’a impulsé sa transformation digitale qu’en 2018 , mais en mettant en place un socle basé sur les codes de cette nouvelle génération. “Ulysse Nardin dispose de peu de points de vente en propre, la connaissance des clients était très limitée en raison d’une forte dépendance vis à vis des détaillants” précise l’experte.
Pour améliorer cette connaissance client, l’adapter à l’omnicanalité et à la digitalisation, Ulysse Martin a mis en place un CRM et un site e-commerce - d’abord en B2C puis en B2B - réalisé en 6 mois. Outre ces nouveaux outils, Ulysse Nardin a implanté le PIM Akeneo pour apporter une donnée produit riche, structurée et unifiée, et gérer la gouvernance des données. La technologie PXM (Product Experience Management), intégrée en amont de la Customer Experience, mêle l’automatisation et l’Humain. Grâce à cette transformation, Ulysse Nardin a pu mieux adapter son contenu à la cible. Réalisant désormais que son audience n’est féminine qu’à 30%, elle a notamment modifié son expérience sur le site et améliorer son service client au niveau international. Résultat : la marque a réalisé 40% de croissance supplémentaire entre fin 2020 et début 2021 sur son site internet grâce à cette connaissance client.
Balistikart : un luxe virtualisé avec les NFT ?
Qu’est-ce la tendance NFT ? Il s’agit de l’acronyme de “Non Fongible Tokens”, un jeton numérique authentique, unique et infalsifiable, qui entre dans la blockchain. Ce concept a été pour la première fois fortement médiatisé dans le domaine de l’Ary, lors de la vente record chez Christie's (69 M$) de l'œuvre “Everyday's : the first 5000 days” de Mike Winkelmann (alias Beeple).
Ces actifs numériques vont être intégrés dans une blockchain, et seront achetés et revendus par les utilisateurs sur des marketplaces, créant un second marché. Exactement comme dans la vie réelle.
- Stéphane Galienni, directeur associé, Balistikart
En parallèle, de plus en plus de jeunes de moins de 15 ans achètent des avatars dans des jeux vidéos, tandis que des investisseurs cherchent à diversifier leurs actifs en les digitalisant. Il suffit d’avoir un portefeuille numérique avec de la cryptomonnaie pour pouvoir acquérir un NFT. Les NFT peuvent également se retrouver dans les metaverses : ainsi une marque de beauté et cosmétique peut vendre ses produits en magasin, mais aussi dans les metaverses en virtuel comme le fait Nyx lors de la Crypto Fashion Week. L’année 2021 a été rythmée de moments forts autour des NFT : de la vente en seulement 8 minutes à 3,5 millions de dollars de baskets RTFKT en NFT en février jusqu’à la cover de Vogue Singapour réalisée en NFT en septembre. Les ventes de NFT sont passées de 1,3 MM$ au Q2 2021 à 10,7 MM$ au Q3 2021. À suivre au Q4...
Les marques de luxe affûtent leurs contenus digitaux
En conclusion, Emmanuel Vivier, cofondateur du HUB Institute, revient sur les chiffres clés de la digitalisation. “La covid a accéléré certaines initiatives déjà existantes avant la crise dans tous les secteurs dont le luxe ou la mode” explique t-il. Avec 5 milliards d'utilisateurs de smartphone (67% de la population mondiale) et 4 milliards d’internautes utilisant les réseaux sociaux, les médias sociaux sont incontournables. En France, YouTube est considéré comme le 2e écran après la télévision avec 46 millions d’utilisateurs devant Facebook (38 millions). En Chine, les plateformes occidentales sont absentes au profit de Wechat, considéré comme la super app de référence avec l’intégration de moyens de paiements en plus des fonctions classiques de réseaux sociaux.
Avec la pandémie, les confinements et la fermeture des lieux culturels, le streaming a explosé tout comme les podcasts et de nombreux formats vidéos ont émergé :
De la story au Brand Content, ce qui est formidable, c’est que tout fonctionne ! Il n’y a pas de recette magique. Nous entrons dans une époque de Creators’ Economy où n’importe quel individu est plus puissant qu’une marque.
- Emmanuel Vivier, fondateur du HUB Institute
D’autant plus que de nombreux outils gratuits émergent afin de créer du contenu, avec un ticket d’entrée très bas : “L’émergence des contenus pro et semi pro fait finalement concurrence aux marques” ajoute t-il. Le succès de TikTok est révélateur : avec la pandémie, l’application compte 1 milliard d’utilisateurs dans le monde et 15 millions d’utilisateurs en France. D’abord application pour les jeunes, un vieillissement des utilisateurs s’est opéré pendant les confinements. Le succès de l’application attire même les marques de luxe qui s'intéressent à ce nouveau format très créatif. Pour être présentes auprès de leur public, les marques doivent donc varier et mixer les contenus en fonction des codes de chaque média.