témoignage Triple accélération

Nous investissons plus de 5 milliards par an dans nos activités bas carbone

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Patrick Pouyanné
Président directeur général
TOTAL ENERGIES
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Sommaire de l'ouvrage

TotalEnergies fête aujourd’hui ses 100 ans, fournissant chaque jour l’électricité et du gaz à 8 millions de foyers en Europe et accueillant quotidiennement 8 millions de personnes dans ses 15 000 stations-service réparties dans 56 pays ainsi que dans 60 000 points de recharge électrique. La Compagnie est également présente sur l’ensemble de ses segments d’activités dans plus de 120 pays dans le monde. A noter que depuis Mai 2021, Total est devenu TotalEnergies, marquant un changement stratégique majeur pour l’entreprise, se diversifiant de l’exploration et la production d’hydrocarbures, à l’électricité et aux énergies renouvelables. La Compagnie a entamé sa transition énergétique il y a 10 ans, avec une stratégie de transition visant à atteindre le Net Zéro Carbone à horizon 2050. Pour cela, elle a placé le développement durable au cœur de sa stratégie, de ses projets et de ses opérations, sans pour autant faire l’impasse sur l’adoption des nouvelles technologies, et en particulier de l’intelligence artificielle.

Si l’on évoque une première accélération, celle du digital, de la data et de l’IA où en est TotalEnergies ?

En 2020, nous avons créé notre Digital Factory. Elle rassemble aujourd’hui 300 personnes, dont des data scientists et spécialistes de l’IA. Elle a vocation à développer les solutions numériques dont notre compagnie a besoin pour améliorer nos opérations industrielles, proposer de nouveaux services à nos clients notamment en termes de maîtrise de consommation énergétique, développer les nouvelles énergies et réduire notre impact environnemental. À noter que plus de la moitié des 80 solutions développées ou en développement à la Digital Factory depuis quatre ans contiennent de l’IA.
Pour vous donner quelques exemples, nous utilisons l’IA pour prédire et optimiser la production des champs pétroliers. Elle est également utilisée pour améliorer la maintenance prédictive des installations de production. Elle détecte les pannes potentielles et surveille plus de 3 000 équipements sur site. Cela réduit nos coûts opérationnels et les arrêts imprévus. Dans les énergies renouvelables (solaire, éolien et hydroélectrique), l’IA nous permet d’identifier les meilleurs sites où installer des champs photovoltaïques ou éoliens, tenant compte de données historiques d’ensoleillement ou de vent dans une région précise. Une fois les panneaux solaires et les éoliennes installés, l’IA nous permet également de pallier leur intermittence et leur imprévisibilité en prévoyant précisément leur production d’énergie et en intégrant un grand nombre de variables météorologiques. Cela nous permet, entre autres, d’optimiser l’usage de nos batteries industrielles qui compléteront la production et de fournir une énergie fiable à nos clients. Nos ingénieurs vont plus loin, en optimisant grâce à des outils de simulation numérique la disposition d’éoliennes dans un champ, afin d’éviter que les éoliennes en aval subissent les sillages des rotors situés en amont, ce qui induit à la fois une réduction de leur production et une augmentation de leur sollicitation.

Quels sont les défis spécifiques liés à l'intégration de l'IA dans l'industrie pétrolière et gazière ?

Nos sites industriels de production et de raffinage sont particulièrement sensibles. La sécurité des opérations est notre priorité. Nous devons donc avoir une confiance absolue dans les recommandations faites par l’IA, pouvoir les expliquer, et les améliorer en permanence. Actuellement, nous n’utilisons pas de systèmes entièrement autonomes : la décision finale reste toujours entre les mains des équipes responsables des opérations. Il est donc crucial que les recommandations des modèles d’IA soient explicites et compréhensibles.
Par ailleurs, pour créer des modèles d’IA, notamment de machine learning, il est essentiel d’avoir accès à de grandes quantités de données. Ces données sont enregistrées en temps réel sur les sites et appareils de production, ou dans les systèmes informatiques existants. L’accès à ces données est un défi majeur sur lequel nos équipes travaillent activement. Elles se préparent aussi pour s’aligner sur l’IA Act qui va apporter des exigences en termes de traçabilité et de robustesse des systèmes.
Enfin, les processus d’extraction et de raffinage du pétrole sont hautement variables selon sa géographie et sa provenance. Cette variabilité pose un défi pour l’intelligence artificielle, car elle se fonde sur des données historiques. Lorsque nous traitons des champs et des phénomènes nouveaux, l’IA n’a pas d’historique préexistant.

Auriez-vous des exemples où l'IA a contribué à améliorer la sécurité des opérations ou à réduire l'impact environnemental des activités de TotalEnergies ?

La sécurité est la première valeur de la Compagnie, et l’IA y contribue naturellement ! Nos équipes HSE (Hygiène, Sécurité, Environnement) sont par exemple en train de développer un assistant, basé sur une approche Generative AI destiné aux équipes préparant des travaux sur site, pour leur fournir des recommandations à partir de retours d’expérience, afin qu’elles travaillent dans les meilleures conditions de sécurité. D’autres solutions nous permettent également de prédire les zones à risques en fonction du vécu et sollicitation réel des installations. Cela nous permet de concentrer nos efforts sur ces zones lors d’inspections périodiques.

Plusieurs solutions sont déjà en place pour réduire au maximum l’impact environnemental de TotalEnergies et un grand nombre sont en développement. Par exemple, sur nos installations de production, nous calculons en temps réel les émissions de CO2 par unité et type d’équipement, en les comparant aux meilleures performances historiques. Les opérationnels peuvent ainsi identifier les sources de gaspillage d’énergie, comprendre leurs causes et ajuster les paramètres pour réduire les émissions. Ceci est rendu possible par plusieurs milliers de capteurs installés sur nos équipements.

Nous travaillons également à réduire l’impact environnemental de l’IA elle-même. En 2023, nous avons développé une toute nouvelle version hybride de notre supercalculateur industriel Pangea 4, composé d’une machine physique sur site et d’accès à des capacités de calcul dans le cloud. D’une puissance équivalente à 170 000 ordinateurs portables réunis, Pangea 4 consomme 87 % d’électricité en moins que son prédécesseur Pangea 3.

Parlons maintenant d’accélération durable : comment envisagez-vous la transition de TotalEnergies dans le futur ?

TotalEnergies est aujourd’hui un acteur majeur des énergies renouvelables. Nous avons le savoir-faire, les talents et des moyens financiers supérieurs à d’autres : nous investissons plus de 5 milliards par an dans nos activités bas carbone. En parallèle, nous agissons concrètement pour le climat.

D’ici moins de 10 ans, nous serons ainsi devenus un «super-énergéticien » et le contenu carbone de nos ventes de produits énergétiques aura baissé de plus de 30 % par rapport à 2015. Nous serons dans le top 5 mondial des producteurs d’énergies renouvelables (hors Chine), en plus d’être un géant du gaz. Nous aurons investi dans plus de 100 GW de capacités renouvelables (solaire, éolien à terre et en mer, batteries), soit l’équivalent de 35 centrales nucléaires ! L’électricité représentera alors plus de 20 % de l’énergie que nous produirons. Si l’on m’avait dit, quand j’ai pris la direction de l’entreprise, que les énergies renouvelables et bas carbone représenteraient 35 % de nos investissements dix ans plus tard, je ne l’aurais tout simplement pas cru !

Côté hydrocarbures, nous détiendrons 10 % des capacités mondiales de Gaz Naturel Liquéfié, participant ainsi à la souveraineté énergétique de l’Union Européenne, tout en contribuant à la décarbonation de grands pays d’Asie comme l’Inde et en substituant le gaz au charbon, 2x plus émetteur de CO2 dans la production d’électricité. Enfin, nous serons toujours un producteur de pétrole, tout en adaptant notre production à l’évolution de la demande mondiale et en « produisant mieux ». En dix ans, nous avons, par exemple, diminué nos émissions opérées (scopes 1 et 2) de 24 % et nos émissions de méthane de plus de 60 %.

Quel rôle la diversification des sources d'énergie joue-t-elle dans votre stratégie à long terme ?

Nous avons historiquement un modèle intégré : nous sommes présents de l’exploration à la production d’hydrocarbures, en passant par le raffinage et la fourniture de carburants. Cela nous permet d’être résilients face aux différentes crises que le secteur de l’énergie traverse. C’est ce même modèle intégré que nous sommes en train de construire pour les énergies renouvelables et l’électricité.
En parallèle, nous investissons dans la production, le stockage ou la transformation de plusieurs sources d’énergies renouvelables et bas carbone. Nous pouvons les classer en deux catégories : les molécules (gaz naturel, biogaz, hydrogène) et les électrons (solaire, éolien, hydroélectricité, batteries). Nous aurons besoin de l’ensemble de ces énergies pour mener à bien la transition énergétique. Il ne faut pas les opposer, chaque région du monde étant adaptée à l’une ou plusieurs d’entre elles. Si le pétrole a été la grande énergie du siècle dernier, le gaz et l’électricité décarbonée sont au cœur du système énergétique de demain.
Tout cela se construit graduellement, c’est pourquoi nous avons créé en 2016 une nouvelle branche consacrée au gaz, aux énergies renouvelables et à l’électricité, avec des opérations majeures pour entrer dans le top 3 mondial du gaz naturel liquéfié (GNL). Mais aussi l’acquisition de Saft dans les batteries, de Total Eren dans les énergies renouvelables, de Direct Energie dans l’électricité en France, ou encore des investissements dans les énergies renouvelables avec Adani Green en Inde et Clearway aux États-Unis.
Enfin, pour développer l’ensemble de ces énergies et créer des synergies en matière de compétences et de connaissances, nous avons décidé de réunir au sein d’une même branche 3 400 ingénieurs, scientifiques et techniciens. Cela renforce notre capacité d’innovation et nos compétences à concevoir et conduire de grands projets industriels intégrés. Cette branche, créée en septembre 2021, s’appelle « OneTech ».

"Si le pétrole a été la grande énergie du siècle dernier, le gaz et l’électricité décarbonée sont au cœur du système énergétique de demain"

En quoi une démarche de collaboration est indispensable ?

C’est ce qui garantira une transition juste, ordonnée et équitable. C’est pourquoi nous participons activement à la diffusion des objectifs de production responsable auprès de nos partenaires. Lors de la COP 28, plus de 50 entreprises du secteur du pétrole et du gaz ont signé l’OGDC (Oil & Gas Decarbonization Charter), les engageant à réduire les émissions de leurs opérations, notamment en visant zéro émission de méthane d’ici 2030. TotalEnergies a apporté son soutien actif au succès de l’OGDC.
Parallèlement, nos activités de R&D sont menées en open innovation avec des partenaires académiques, industriels et des start-ups. TotalEnergies compte aujourd’hui plus de 1000 partenaires de recherche, 23 laboratoires communs et chaires, 100 doctorants, 18 centres de recherche à travers le monde et dépose environ 250 brevets par an. Ces partenariats sont importants pour TotalEnergies, car les enjeux sociétaux et la transformation de la Compagnie sont tels qu’ils ne peuvent être menés uniquement avec les ressources internes de l’entreprise. Nous avons en effet besoin d’une R&D d’excellence en interaction avec les meilleures équipes de recherche dans le monde pour développer des solutions énergétiques durables, abordables, disponibles et propres, et pour réduire notre empreinte environnementale, comme nous nous y sommes engagés.

Comment accompagnez-vous les collaborateurs dans ces différentes évolutions de l’entreprise ?

Il y a la nouvelle branche One Tech, précédemment évoquée, qui permet d’accompagner notre ambition en matière de transition énergétique afin de mettre en commun l’innovation et la recherche de plusieurs branches. Cette branche nous permet d’être agiles et de concentrer nos forces sur les sujets du moment. Nos ingénieurs structures peuvent ainsi travailler aussi bien sur des structures offshore dédiées aux plateformes pétrolières qu’éoliennes.
Nous avons également mis en place depuis quelques années un programme de formation continue en interne, sur la transition énergétique et la chaîne de valeur de l’électricité. L’ensemble des salariés participe à ce programme, seuls ou en équipe. Si nous voulons éduquer la société sur les enjeux de la transition, nous devons commencer par nous éduquer en interne ! Enfin, nous avons déployé cette année 30 000 licences de Microsoft Copilot auprès de nos collaborateurs. Cet assistant digital leur permet de gagner en productivité et en créativité dans leurs tâches quotidiennes.

Utilisez-vous l’IA dans les processus de recrutement ?  

Il est important de ne pas déshumaniser nos processus, c’est pourquoi  nous n’avons pas développé d'IA pour le recrutement, par exemple pour faire du CV Matching. Mais, pour la gestion des talents, nous développons actuellement un outil de gestion des compétences qui incorpore de l'IA, pour aider les collaborateurs à postuler à des offres intéressantes pour eux lorsqu’ils souhaitent changer de poste en interne.

En résumé, quelles sont vos convictions ?

Si nous souhaitons être encore là dans 100 ans, nous devons être moteur d’un développement durable, c’est-à-dire équitable, viable et vivable. Cela veut dire pour TotalEnergies, fournir une énergie accessible, fiable et au meilleur prix.
Ces enjeux vont jusqu’à se matérialiser sur le salaire de nos cadres dirigeants, qui intègre depuis plusieurs années des indicateurs RSE dans les structures de rémunération. Concrètement, TotalEnergies a réorienté sa R&D au cours des dernières années : depuis 2022, plus de 60% du budget de la R&D est consacré aux énergies bas carbone et à la baisse de l’empreinte environnementale à travers les programmes CCUS et développement durable, contre 28% en 2017.

Je suis convaincu que notre ambition de réussir notre transition et d’accompagner celle de nos clients, tout en garantissant une politique attractive de retour à l’actionnaire, sera reconnue. TotalEnergies a besoin des revenus des énergies fossiles pour préparer les revenus de demain avec les nouvelles énergies. Et dans dix ans, l’électricité contribuera donc aux dividendes de nos actionnaires. Nous regardons devant et nous construisons notre avenir, brique après brique.

Entretien réalisé au 1er semestre 2024 dans le cadre de l'ouvrage Comment réussir votre stratégie de triple accélération

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