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Sommaire de l'ouvrage

Quelle posture des entreprises observez-vous face à l’adoption de l’intelligence artificielle ?
Face à l’émergence de l'intelligence artificielle, les entreprises réagissent beaucoup plus vite qu'elles ne l'ont fait avec l'univers du web. Elles ont mis des années à se doter d'un site web, ne comprenant pas très bien son utilisation, ou encore, à modifier leur organisation pour bénéficier du numérique. Aujourd’hui, elles partent tout de suite en considérant que l'IA doit — et peut — les aider. Il n’y a donc aucun doute quant à l’intérêt porté à l’intelligence artificielle par les chefs d'entreprise. Leur prise de conscience est indiscutable mais il leur faut désormais s’attaquer plus concrètement et en profondeur à la transformation de l’entreprise par l’IA.
Qu’est-ce que vous entendez par “repenser plus profondément l’entreprise par l’IA” ?
Les entreprises se contentent encore trop souvent de l’installation d’un Chat GPT ou autre, sans repenser plus l'organisation des métiers, des process … Il ne s'agit pas seulement de voir comment est-ce qu'on peut être plus rapide ou comment économiser sur les coûts. Il faut réfléchir à comment être plus performant et comment l'IA peut aider l'entreprise à croître. C’est une nouvelle étape dans la transformation des entreprises puisque leur mode de fonctionnement n’a pas été véritablement remis en question depuis les années 70 et l’introduction de l’informatique. Même les récentes phases de numérisation et de digitalisation n’ont constitué que des ajustements.
Identifiez-vous des secteurs plus avancés dans cette transformation ?
Il y a deux secteurs qui sont clairement en avance. Le premier est celui de la santé, où l’on comprend assez facilement ce que l'intelligence artificielle peut apporter en termes de progrès. Le second est celui de la défense.
Un peu derrière, le secteur de l’automobile évolue aussi, et pas seulement pour la conception des voitures - car cela existe depuis très longtemps - mais plus sur leur rôle de dans la société : Comment les véhicules circulent dans la ville ? Qu'est-ce-que l'intelligence artificielle peut apporter sur la sécurité ? Etc.
On peut enfin citer le secteur de la finance et celui des industries créatives : intégration de l’IA dans les dessins animés, dans les techniques d'animation mais aussi dans la publicité et la création picturale. C'est quelque chose d'extraordinairement intéressant parce que ça ouvre des perspectives sur la créativité de l'homme. L'IA va stimuler cette créativité et permettre d'aller plus loin, en rendant possible la réalisation de choses qui paraissaient jusque là hors de portée ou extrêmement chères.
Dans un monde si instable, où les COMEX n’ont jamais été autant challengés, quel conseil souhaiteriez-vous donner à cette génération de dirigeants ?
Dans ma carrière jusqu’ à ce que je n’aie plus besoin de le dire, je disais à tous mes créatifs : “vous avez 20 % de votre temps pour aller au cinéma, aller dans les musées, découvrir le monde, je veux vous voir ailleurs qu’à l’agence, pour découvrir ce qui se passe dans la société”. Moi-même, à 83 ans, je me suis plongé depuis longtemps déjà sur le sujet de l’IA. Il faut nourrir une curiosité saine sur ce que la vie nous apporte et sur ce que la technologie peut encore apporter. Les COMEX n’ont toutefois pas à se soucier de la technologie pure mais plutôt des bénéfices et progrès qu’elle peut générer. Une curiosité qui va de pair avec “avancer sans peur” : l’IA il faut l’approcher, la vivre, la découvrir, la tester … Et l’adopter !”
“Je n'ai qu’un seul conseil : restez curieux, ouvrez les yeux, gardez l'esprit ouvert à tout !”
Comment les entreprises peuvent rester alignées avec leurs engagements durables tout en accélérant sur l’intégration de l’IA ?
Il y a deux volets. Il y a un volet plutôt négatif pour l’environnement, puisque l’IA fonctionne avec de gros volumes de données, ce qui consomme énormément d'énergie.
Mais il y a aussi un volet positif, puisque de nombreuses recherches sont en cours pour trouver des solutions en phase avec une réduction de l’empreinte carbone : fabrication d’énergie, ordinateurs quantiques … Dans le secteur de l'agriculture par exemple, qui consomme 75 % de notre eau, si on arrive à identifier de réels leviers de réduction de la consommation d’eau, les économies en matière de mobilisation des ressources seront très importantes. Dans les secteurs des transports aussi, l’IA est utilisée à des fins d’optimisation de la consommation d'énergie et ainsi limiter les émissions de gaz à effet de serre.
Vous êtes à l’initiative de l'événement VivaTech, pouvez-vous nous rappeler la genèse d’un tel projet ?
J’ai rêvé de VivaTech et d'un événement de cette nature depuis très longtemps. Quand je voyais les développements du CES à Las Vegas, du Hannover Messe en Allemagne ou encore du Web Summit, je souffrais que la France n'ait pas un événement de cette envergure. Pourquoi était-ce si important ? Cela permet de diffuser l'innovation auprès d'un large public pendant quelques jours, mais aussi des semaines avant et des semaines après. C’est pourquoi j’avais ce projet dès les années 2000 qui s’est finalement concrétisé pour le 90ème anniversaire du groupe Publicis, non sans un vrai pari financier. Le risque a donc été partagé, aux côtés de LVMH et Les Échos. Il était aussi important de rester à Paris pour optimiser le rayonnement de l’événement avant d’envisager d’autres localisations. Enfin, j’ai une pensée pour les pouvoirs publics et en particulier pour le Président de la République, sans qui probablement nous n'aurions pas eu le même impact. Il était ministre de l'économie lors du lancement de VivaTech et nous a apporté un soutien décisif.
Quelles sont les perspectives d’évolution pour VivaTech ?
L'avenir de VivaTech, c'est d'abord et avant tout de continuer à être une référence en matière d’innovation, ou l’on accueille de manière non discriminatoire les très grandes et les très petites structures. Tous les COMEX d'Europe devraient donc venir à VivaTech, pour nourrir leur curiosité.
Entretien réalisé en Mai 2025 dans le cadre de la publication en anglais de l'ouvrage Comment réussir votre stratégie de triple accélération