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Sommaire de l'ouvrage

Quel lien voyez-vous entre accélération digitale et accélération durable ?
Il est intéressant de constater que ces deux accélérations ont un sous-jacent commun, à savoir la transformation culturelle des modes de fonctionnement des organisations. La culture d’entreprise se met ainsi au service de ces deux évolutions. La différence réside peut-être dans la temporalité, où un certain nombre d’entreprises se sont peut-être d’abord engagées dans les évolutions numériques, et abordent désormais de façon plus prononcée leurs engagements RSE et environnementaux.
Si l’on regarde plus précisément le lien entre « Green IT » et CSRD, la technologie intervient de trois façons :
1 • La technologie au service de la mesure, afin de suivre la cohérence vis-à- vis des engagements pris en termes de réduction de l’empreinte de carbone, du gâchis alimentaire ou encore du volume d’eau utilisé par exemple chez Accor. Ainsi, mesurer l’empreinte carbone de nos hôtels passe par le déploiement d’outils et par la structuration et l’analyse des données.
2 • La technologie comme levier de progression sur ces indicateurs. Nous avons par exemple développé un algorithme qui permet à nos restaurants de mieux prédire les matières premières dont ils vont avoir besoin et, donc, de réduire le gâchis alimentaire généré. On parle d’une réduction de plusieurs centaines de kilos de nourriture par restaurant qui ne sont désormais plus jetés grâce à la data science.
3 • Une technologie qui pollue moins. Car l’IT génère une empreinte carbone, même si ce n’est pas notre premier facteur d’émission de CO2 (entre 3 et 4%), chaque petit pas compte. Cela passe par ne pas renouveler aussi souvent nos outils, on mesure également l’empreinte carbone de l’utilisation de l’application mobile par nos clients. On peut donc aller jusqu’à des scores environnementaux pour chacun de nos produits digitaux.
Quels sont les premiers cas d’usage de l’IA et l’IA générative au sein du groupe Accor ?
Le secteur du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration est évalué comme celui qui pourrait générer le plus de valeur via l’IA, car il y a beaucoup de choses qui sont redondantes et qui peuvent être automatisées. De notre côté, il y a quatre champs d’application sur lesquels on travaille, avec des degrés d’avancement différents :
1 • Au service de la productivité interne, avec l’automatisation d’un certain nombre de tâches de prise de décisions. La documentation par exemple pour les développeurs est désormais générée par la GenIA. Sur le volet RH, l’IA accompagne également les collaborateurs pour le sourcing de candidats, avec un balayage des CV et une redirection vers les bons hôtels.
2 • Pour améliorer l’expérience client, et notamment, tout ce qui concerne la personnalisation : pousser le bon message et au bon moment pour chaque client. La personnalisation concerne également le service client des plus de quarante-cinq marques du groupe, pour mieux répondre aux demandes de nos clients. Nous avons par exemple déployé un assistant IA pour les prises de contact par téléphone pour mieux guider les hôtes sur le type de voyage ou d’hôtel à réserver.
3 • La génération de contenus pour nourrir notre site et notamment optimiser le SEO ou encore à destination de nos campagnes emails qui sont désormais, pour la plupart, générées par l’IA, avec une relecture humaine.
4 • L’utilisation de l’IA pour optimiser les critères ESG*.
Comment avez-vous abordé l’accélération Data & IA ?
Nous avons abordé le sujet de la gouvernance des données il y a deux ans, avec la mise en place d’une équipe “data gouvernance” dont une des missions a été de mieux structurer les données à l’échelle du groupe et de chaque marque. Cela a permis de créer une plateforme data unique. Nous avons également développé un “data catalogue” qui permet au collaborateur de trouver rapidement où se trouve tel type de donnée en particulier, quelle est sa définition … Il y a enfin la création de dashboards pour un accès encore plus pédagogique à la data. Il y a donc 3 couches d’accès possibles.
Ensuite, il y a de nouveau, pour la data, une organisation horizontale : certains travaillent sur la donnée e-commerce, d’autres sur la donnée en rapport avec les opérations hôtelières …
En outre, nous avons développé un partenariat avec Schneider Electric avec une solution interne qui s’appelle GAÏA et qui permet de faire remonter un certain nombre de statistiques et de KPI de nos hôtels et restaurants pour monitorer l’activité et l’empreinte liée.
Enfin, concernant l’IA, nous avons créé un centre d'excellence, qui permet d’avoir des cas d’usage qui viennent autant des profils Tech que des métiers, c’est ce qui garantit l'adoption. Ce centre d’excellence AI a pour but de centraliser et dynamiser les initiatives GenAi en apportant son expertise et ses conseils tout en garantissant une utilisation éthique de la technologie, accélérant et mutualisant ainsi le déploiement de solutions à fort impact pour Accor. Une équipe a également pour rôle de définir les règles notamment en termes de protection des données.
Quelles sont vos actions concernant la cybersécurité ?
C'est un risque qui est forcément en pleine croissance et ce, d’autant plus cette année, avec l’organisation des Jeux Olympiques en France … Nous menons donc un certain nombre d’actions pour supprimer tous les équipements “end of life” dans les hôtels, pour renforcer le niveau de sécurité mais aussi pour modifier les habitudes et éviter par exemple qu’un mot de passe ne traîne sur un post-it.
Comment accompagnez-vous la montée en compétences des collaborateurs ?
Tout d’abord en invitant les équipes à s’inspirer de ce qui se passe à l’extérieur, où notamment 5% du temps de travail est tourné vers l’extérieur et aller notamment à des conférences pour voir ce qui se passe ailleurs. Il y a aussi, volontairement, une partie de nos talents qui sont externes, ce qui permet de bénéficier de leur expérience, de leur regard extérieur et nouveau sur nos manières de faire, et bien entendu de leur capacité à éventuellement transposer ce qu’ils ont pu voir ailleurs. Enfin, nos collaborateurs sont invités à aller voir régulièrement ce qui se passe dans nos hôtels ou à faire des écoutes en centre d’appel afin de récupérer des insights clients. Une des valeurs clefs que je souhaite voir s’ancrer dans le quotidien de mes équipes, c’est de toujours penser « client first ».
Privilégiez-vous un contact direct ou indirect, via des plateformes de réservation comme Booking.com ?
Nous avons besoin de ce type de partenaires pour avoir un bon taux de remplissage de nos hôtels même si la rentabilité n’est pas la même que si les clients passent par nos canaux directs. Mais, la bonne nouvelle est que nous constatons une réelle croissance des réservations par nos canaux directs ces dernières années. Ceci est dû notamment à notre programme de fidélité et notre application mobile, qui présente cette année plus de 50 % de croissance, et c'était d’ailleurs déjà le cas l’année dernière.
Comment votre programme de fidélité ALL peut soutenir votre stratégie d’impact ?
Nous avons mis en place par exemple un partenariat avec Captain Cause, une startup à mission soutenant des associations à impact social et environnemental, qui permet de faire des dons à travers leur plateforme. Nos clients peuvent ainsi transformer leurs points Reward en don pour soutenir des causes qui leur tiennent à cœur, conformément à l’engagement et à la vision de Accor.
Quelle est votre vision de l’expérience de voyage en 2030 ?
À l'échelle du Groupe, c'est d'abord une expérience de voyage durable. On sait que le voyage de demain ne sera pas le voyage d'aujourd'hui : avec des déplacements moins lointains, conscients de l’impact carbone des trajets. Les hôtels présenteront des consommations d'énergie beaucoup plus basses (eau, électricité, etc.). Notre vision est également de créer un tourisme encore plus immergé dans son écosystème local (sourcing de produits locaux, par exemple).
D’autre part, quand on se projette, nous voyons aussi l’hôtel comme un lieu de vie, où les gens ne sont pas là juste pour dormir, mais aussi pour se divertir, se restaurer, etc. C’est aussi un hôtel ouvert à la population locale, aux personnes qui habitent aux alentours : si l’on reprend les paroles de notre PDG, celui-ci dit souvent qu’il y a un peu moins d'un milliard de gens qui voyagent, mais il y a aussi 5 à 6 milliards de personnes qui habitent autour de nos hôtels… Et donc, on doit pouvoir les accueillir. Ce sera aussi un lieu de vie qui est, encore une fois, beaucoup plus durable. La technologie vient alors comme un moyen de se diriger vers ces ambitions, et non comme une fin en soi, où il y aurait des robots partout dans les hôtels. La technologie va servir à fluidifier le parcours client, notamment l’étape du check-in, qui peut encore parfois être fastidieuse, mais où il faut respecter des règles spécifiques selon les pays, que ce soit pour l’identification, le paiement, etc. La meilleure technologie est celle qui est invisible. Nous souhaitons toutefois que le client continue de passer par la réception, car c’est l’occasion de pouvoir l’accueillir, lui dire bonjour, c’est un moment très important pour tisser du lien. Donc, la technologie, oui, mais au service d’une expérience client plus riche, toujours !
Entretien réalisé au 1er semestre 2024 dans le cadre de l'ouvrage Comment réussir votre stratégie de triple accélération
Comment développer une culture du digital au sein du Groupe ?
Dans mes équipes, il n’y a pas que des profils« tech », il y a aussi désormais des équipes business, alors que ce n’était pas le cas il y a quelques années. Pour faciliter la collaboration, nous avons codifié un langage commun : écriture des modes opératoires, des modes de fonctionnement afin que toutes les équipes aient les mêmes réflexes. Autre point qui facilite la cohérence : les équipes ont les mêmes objectifs, avec l’aide du système OKR*. Ainsi, la stratégie repose sur quelques grands objectifs qui ensuite sont « re-cascadés » par équipe et à l’échelle individuelle. Cela permet que chacun se sente utile et ait le sentiment de contribuer au même effort. Enfin, nous avons une organisation horizontale, c’est-à- dire que les ingénieurs rapportent aux ingénieurs, les project managers aux managers et on a formalisé le fonctionnement : ce qui dépend d’un lien hiérarchique de ce qui peut se gérer en horizontal.