La crise de l’eau est une crise de l’imagination
Ce n’est pas l’eau qui manque, mais le moyen de la rendre potable. La terre est couverte d’océans qui suffiraient à étancher la soif de l’humanité pour toujours, si leur eau était potable. Seulement aujourd’hui les ressources en eau potable risquent de ne pas suffire à l’humanité qui tend à se développer. La clef se trouve peut-être dans notre capacité prochaine à rendre buvable l’eau salée des mers. Et le singulier destin de l’aluminium peut nous aider à imaginer pourquoi le problème de l’eau sera résolu.
Au tout début de l’an un, raconte Pline l’Ancien, l’empereur romain Tibère, reçu la visite d’un étrange visiteur. L’homme lui présenta un mystérieux métal aux propriétés inhabituelles. Brillant presque autant que l’argent, celui-ci était bien plus léger et surtout doté d’une certaine souplesse. Il affirma être le seul à détenir le secret permettant de fabriquer ce métal qui n’était rien d’autre que de l’aluminium. Craignant que la propagation d’un tel métal ne fasse perdre à son or sa valeur, Tibère fit décapiter le malheureux qui emporta son secret avec lui.
L’aluminium ne fit plus parler de lui pendant plus de 1800 ans. Ses rares apparitions dans l’histoire atteste qu’il conserva longtemps un caractère exceptionnel, comme ce dîner offert par Napoléon III au roi du royaume de Siam, au cours duquel ils furent honorés par des couverts en aluminium tandis que les autres convives durent se contenter d’un service en or.
Il fallut attendre que plusieurs générations de scientifiques s’attellent à trouver le procédé permettant de séparer dans la bauxite, une substance très répandu sur terre, le métal pur des autres corps qu’elle contient. Une tâche autrefois difficile et complexe. Aujourd’hui le gramme d’aluminium est ridiculement bas comparé à celui de l’or ou de l’argent.
Que s’est-il passé ? En réalité, l’aluminium ou plus précisément ce qui permet de le créer, n’est pas rare sur terre. C’est l’absence d’un procédé permettant de convertir un matériau brut en de l’aluminium, à des coûts acceptables, qui en faisait la rareté. Le raisonnement peut aisément être appliqué au problème de l’eau en disant que ce qui est rare aujourd’hui n’est pas tant l’eau (des mers et des océans), mais le procédé qui permettrait de rendre celle-ci potable. Et comment imaginé que les meilleurs esprits de notre temps, les meilleures entreprises, les meilleurs centres de recherche n’y travaillent pas d’arrache pied pour des raisons oscillant entre mercantilisme et humanisme.
Oui mais voilà, notre cerveau est obsolète. Traumatiser par quelques 150 000 ans de survie depuis l’apparition de Neandertal, nous sommes conditionnés pour voir en premier le danger et non l’opportunité. Pourtant, le monde n’a jamais disposé d’autant d’intelligences, de capacité de travail, de capitaux, de connaissances disponibles simultanément. Si derrière l’arbre se cache la forêt, la solution du problème de l’eau se cache peut-être derrière la canette en aluminium qui flotte à la surface des océans.