témoignage Triple accélération

L'innovation frugale nous pousse à reconsidérer la manière dont nous utilisons nos ressources

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Céline Merle-Beral
Directrice de la Stratégie des Ressources Humaines et de la Culture d'Entreprise
VIVENDI
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Sommaire de l'ouvrage

Les pratiques en gestion des ressources humaines évoluent chez Vivendi en même temps que les enjeux actuels, reflétant notamment une confrontation générationnelle inédite au sein des entreprises. Comment alors assurer une cohabitation harmonieuse ? Cette situation requiert une transformation profonde des modes de collaboration et de création de liens, soulignant l'importance de la diversité et de l'inclusion (D&I).

Quels sont vos grands défis actuels ?

Les différences culturelles exigent des politiques adaptées à chaque contexte individuel, favorisant une approche sur mesure plutôt qu’uniforme. Le travail à distance, par exemple, doit être envisagé avec flexibilité, prenant en compte les circonstances individuelles sans imposer un modèle unique à tous. Les changements de vie personnelle, comme l’évolution des besoins familiaux, soulignent aussi l’importance de répondre de manière dynamique. Toutefois, le cadre juridique limitant la collecte d’informations personnelles, la tâche d’adresser ces différents besoins de façon personnalisée, sans vraiment les connaître explicitement, se veut délicate... Les entreprises sont aujourd’hui confrontées à une demande schizophrénique, où elles doivent intégrer des mesures inclusives sans pouvoir s’enquérir directement des spécificités individuelles telles que les croyances religieuses ou l’identité de genre.

Arrivez-vous à maintenir une vision à long terme ?

Dans notre organisation, la vision à long terme s’est adaptée aux réalités contemporaines, où les projections au-delà de quarante-huit mois deviennent de plus en plus difficiles à établir de manière précise. Cela est dû à la rapidité des changements dans les marchés, aux évolutions sociétales, et aux disruptions technologiques. Nous nous concentrons donc sur une planification stratégique qui ne dépasse pas cette fenêtre de quatre ans, considérant que c’est déjà un accomplissement notable dans le contexte actuel. Concernant la gestion des ressources humaines, nous n’adoptons pas un pilotage sur plusieurs années non plus. À la place, nous définissons l’ambition de notre impact au sein de l’entreprise et traduisons cette ambition en marque employeur à travers des actions concrètes. Un exemple significatif est l’aspiration de Vivendi à être perçue comme une «place to grow», signifiant que nous valorisons l’apprentissage et le développement des compétences, que ce soit pour une carrière au sein de notre entreprise ou ailleurs.

Quels sont vos engagements pour fidéliser les talents ?

Il est important de garder la porte ouverte pour retenir les talents, plutôt que de les enfermer dans un cadre rigide. Cette vision implique des engagements significatifs en matière de formation, de mobilité professionnelle et d'agilité de carrière. Nous nous engageons à fournir des formations pertinentes et à préparer nos employés aux métiers de demain, y compris ceux qui n'existent pas encore ou ceux qui risquent de disparaître, soulignant notre responsabilité envers nos employés dans ce paysage en mutation.

La fonction de RH reste-t-elle aujourd’hui centrale ?

En effet, elle joue même un rôle crucial dans l'accompagnement des transformations et la compréhension du modèle économique. Les professionnels des RH aujourd'hui sont dotés de compétences mixtes, capables d'intégrer des enjeux opérationnels et de participer activement à la stratégie de l'entreprise, alliant ainsi dimensions financières et humaines.


Comment se traduit votre engagement pour un accès à la donnée interne désiloté ?

Nous observons une convergence et une interdépendance des transformations (organisationnelle, durable, digitale …). Aussi, avons-nous initié le déploiement d'une plateforme nommée “Converge”, dont l’objectif est de faciliter l'accès et le traitement des données, qu'elles soient internes à l'entreprise ou appartenant à nos clients. L'approche sous-jacente est de transcender les méthodes de travail en silos, favorisant plutôt une collaboration étroite et intégrée entre les différents départements et fonctions. Cette initiative illustre notre engagement à promouvoir une culture de travail collaborative et s'inscrit dans la continuité de nos efforts pour améliorer l'expérience de nos employés, tout comme l'efficacité de nos opérations.

Avez-vous opté pour une “innovation frugale” dans la gestion des ressources humaines ?

Notre posture vis-à-vis d’un “faire mieux avec moins”, s'articule autour d'une réflexion profonde sur ce que signifie "moins" dans notre organisation. L'objectif est de maintenir l'emploi tout en explorant des manières d'optimiser nos ressources. Cela soulève des questions cruciales : cherchons-nous à réduire les moyens financiers, comme le budget alloué à des consultants, le nombre de réunions, ou envisageons-nous une réduction des équipes ? Le défi réside dans l'arbitrage entre efficacité et conservation des postes de travail. Réduire les coûts opérationnels sans sacrifier la qualité ni les emplois nécessite une approche équilibrée. Cela peut impliquer de repenser nos méthodes de travail, d'adopter des technologies qui améliorent l'efficience, ou d'encourager des pratiques de travail plus agiles et moins consommatrices en ressources. L'innovation frugale nous pousse donc à reconsidérer la manière dont nous utilisons nos ressources, qu'il s'agisse de temps, de personnel ou de finances. Elle invite à une réflexion sur l'optimisation des processus et l'adoption d'approches plus stratégiques vis-à-vis des investissements et des projets. Cette démarche ne consiste pas uniquement à réduire les coûts, mais à repenser notre manière de créer de la valeur avec moins.
De plus, plusieurs chantiers d'Intelligence Artificielle (IA) sont en cours dans notre organisation, s'inscrivant dans une phase de réflexion et de définition d'un cadre adaptatif, compte tenu de l'évolution constante de la réglementation et des impacts sur différents métiers.

Comment surmonter les freins et objections liés aux transformations actuelles ?

Effectivement, une transformation réussie nécessite une approche personnalisée et granulaire qui tient compte des spécificités culturelles, sectorielles et régionales. La diversité des attentes et des interactions d’un pays à l’autre impose une adaptabilité des stratégies. Un frein majeur à cette transformation, comme vous l’avez souligné, réside dans la mesure de la performance et la manière dont les dirigeants sont évalués et récompensés. Le dilemme auquel les dirigeants sont confrontés est le suivant : pourquoi s'engageraient-ils dans des initiatives qui favorisent l'intérêt collectif si ces aspects ne sont pas pris en compte dans leur propre évaluation ? Pour pallier cette problématique, une solution efficace serait d’introduire des indicateurs de performance partagés, notamment en liant une partie de la rémunération variable des dirigeants à la performance d’équipes ou de départements avec lesquels ils collaborent moins habituellement. Cela inciterait à une collaboration transversale plus forte et plus naturelle, renforçant ainsi la cohésion organisationnelle. Il est également crucial d’élargir les pratiques de rémunération pour inclure des indicateurs de performance extra-financiers, directement liés aux objectifs de transformation. Ces indicateurs peuvent intégrer divers domaines : la gestion des talents (développement, rétention, satisfaction des collaborateurs), les performances RSE, ou encore des métriques liées à l’innovation ou à l’optimisation de processus. L’intégration de KPI extra-financiers est essentielle pour aligner l’entreprise autour d’un ensemble d’objectifs communs, allant au-delà des simples critères financiers. En incluant ces KPI dans les systèmes de rémunération des dirigeants et des employés, les comportements et les priorités s'aligneront naturellement vers les objectifs stratégiques de transformation. En résumé, pour que la transformation ne reste pas une simple idée mais devienne une réalité tangible, il est impératif que la direction définisse des KPI bien ciblés et intègre ces critères extra-financiers dans la rémunération. Cela encouragerait non seulement une collaboration active, mais également une plus grande responsabilité partagée dans la réalisation des objectifs collectifs.

“Notre volonté est de reconnaître et de valoriser immédiatement les réussites”.

Auriez-vous un exemple qui illustre cette adaptabilité ?

L'un des cas d'usage qui illustre notre paysage de transformation concerne l'adaptation des pratiques de rémunération en réponse aux attentes changeantes des différentes générations de salariés. Nous reconnaissons que la perception de la récompense et du temps varie significativement entre les générations. Pour les jeunes employés, par exemple, l'attente d'un bonus annuel ne répond pas à leur besoin immédiat de reconnaissance. À l'inverse, les employés plus âgés peuvent être plus enclins à anticiper des récompenses ou des opportunités sur un horizon plus lointain. Face à cette diversité d'attentes, nous explorons la possibilité de rémunérations plus flexibles et en temps réel. Cela implique de pouvoir distribuer une partie des bonus pendant l'année, en réaction directe aux performances ou aux contributions exceptionnelles, particulièrement pour les plus jeunes employés. Ce système traduit notre volonté de reconnaître et valoriser immédiatement les réussites, renforçant ainsi le sentiment de confiance et d'appartenance. Cette approche nécessite une organisation financière agile, capable de suivre et d'adapter les bonus de manière personnalisée, ce qui représente un défi complexe. Cela implique également un écosystème interne réactif et adaptatif, capable de soutenir ces initiatives sans les alourdir par des processus bureaucratiques. Ainsi, au-delà de la rémunération, ce cas d'usage témoigne de notre volonté de traiter les employés de manière individualisée, reconnaissant leurs situations personnelles et leurs besoins spécifiques. Que ce soit par des politiques de télétravail flexibles, des soutiens aux employés aidants ou l'adaptation des outils internes.
Par ailleurs, nous avons déployé il y a 3 ans une plateforme dédiée au bien-être et à la gestion des ressources humaines au sein de notre organisation.

“Nous nous sommes engagés à promouvoir une culture du travail collaboratif”

Entretien réalisé au 1er semestre 2024 dans le cadre de l'ouvrage Comment réussir votre stratégie de triple accélération

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