témoignage Triple accélération

Andros s'est engagé à agir comme une entreprise citoyenne

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Florian DELMAS
Président - Chairman
ANDROS

Sommaire de l'ouvrage

Andros est passé d’une ère productiviste à une ère de performance durable, motivée par un désir de produire plus, mais surtout mieux, avec moins. Chaque risque surmonté par le Groupe devient ainsi une opportunité de renforcer sa position de leader sur le marché.

Comment avez-vous piloté la transition d’ANDROS ?

Pour piloter la transition d'Andros d'une ère productiviste à une ère de performance durable, la gestion des ressources a été au cœur de notre stratégie. Nous avons ainsi délaissé le productivisme, qui se focalise uniquement sur une production accrue, pour adopter une vision où efficacité et sobriété prévalent. Cette nouvelle approche, que nous avons entamée en 2016 avec notre première planification, que j'ai choisie d'appeler "plan de performance durable" plutôt qu'un plan de développement durable, reflète notre désir de produire plus, mais surtout mieux et avec moins. Dans l'agroalimentaire, la période de 1950 à 1980 était dominée par l'augmentation de la production. De 1980 à 2020, nous avons assisté à une amélioration des processus, avec la France comme leader dans ce domaine. Aujourd'hui, notre challenge est de reproduire ces acquis avec moins de ressources. Cela concerne non seulement les ressources agricoles et les intrants nécessaires à l'agriculture et à l'élevage, mais également les ressources humaines, qui représentent un point critique, notamment en période de crise, comme celle du Covid, où la rupture de la chaîne d'approvisionnement a mis en évidence nos vulnérabilités. Un autre aspect crucial est la question de l'immigration, souvent négligée mais essentielle pour le renouvellement des compétences et l'enrichissement culturel, comme nous pouvons le constater avec l'impact des communautés indiennes ou mexicaines aux États-Unis sur l'agroalimentaire américain. Ces influences culinaires et ces nouveaux apports sont précieux pour dynamiser et innover dans notre secteur. Le plan de performance durable d'Andros s'appuie sur quatre piliers : la réduction de la consommation de ressources, la promotion de produits sains, l'utilisation d'emballages responsables et la contribution à une agroécologie viable et à l'inclusion sociale dans nos territoires. Ce plan n'est pas simplement une réponse aux exigences actuelles mais une réorientation fondamentale vers une gestion plus prudente et efficace de toutes les ressources disponibles.

Quel rôle joue ANDROS sur l’économie locale ?

Andros est ancrée dans les communautés locales où elle opère, notamment dans des zones rurales de moins de 3000 habitants. Notre présence dans ces petites communautés nous confère un rôle social significatif. Nous influençons positivement l'économie locale à travers les salaires versés et par notre impact sur des secteurs vitaux tels que la santé, l'éducation, le sport, et la culture. Par exemple, dans des zones comme Biars-sur-Cère (46) notre engagement dépasse le cadre économique pour toucher des aspects essentiels de la vie quotidienne. Nous sommes conscients que pour attirer et retenir les talents, nous devons investir dans l'écosystème local. Cela implique de soutenir l'éducation et la santé, des domaines devenus problématiques avec la pénurie de services tels que les médecins de famille. Si nous négligeons ces aspects, nous ne pouvons pas espérer attirer des cadres désireux d'offrir une bonne éducation à leurs enfants ou de profiter d'une qualité de vie acceptable. Depuis toujours, Andros s'est engagé à agir comme une entreprise citoyenne. Nous avons mené plusieurs initiatives significatives, telles que l'intégration des personnes autistes dans nos usines, un projet également adopté par des entreprises comme L'Oréal, Michelin et Sodexo.

Comment l’IA est-elle intégrée aux processus décisionnels ?

Nous avons déjà intégré les outils de machine learning dans divers segments de notre chaîne de valeur, notamment en logistique, en production, en maintenance et en commerce. Ces outils soutiennent principalement nos processus décisionnels. Pour accompagner l’adoption de l’IA, nous avons élaboré un programme spécifique appelé Datapulse, qui a été mis en place après trois ans et demi de travail et qui permet d'assigner des référents dans différents métiers pour identifier les tâches où l'aide à la décision peut être améliorée grâce à un traitement optimisé des données. Quant à l'adoption de solutions plus avancées comme l’assistance par l’IA des membres du comité de direction, bien que nous expérimentons des outils tels que les assistants virtuels, je reste sceptique quant à leur créativité et leur capacité à remplacer l'intuition humaine et la prise de décision rapide.

Comment ANDROS aborde-t-elle les défis liés à la transformation durable ?

Andros est profondément engagée dans l'agroécologie, menant ce que j'appelle une “révolution arboricole” pour répondre aux défis contemporains de l'agriculture durable. Nous avons adopté une approche tripartite pour cette transformation : premièrement, nous nous efforçons de produire avec moins d'intrants chimiques, ce qui réduit notre impact environnemental et soutient la biodiversité. Deuxièmement, nous répondons au défi de la main-d'œuvre, non seulement en réduisant la dépendance envers elle grâce à des innovations technologiques, mais aussi en augmentant la productivité de la main-d'œuvre disponible. À cet égard, nous avons développé des machines de récolte révolutionnaires. Ces machines, similaires à des moissonneuses, permettent de rapatrier la production de fruits en France, malgré les coûts de main-d'œuvre plus élevés comparés à ceux des pays à bas salaires. Nous avons également réussi à réduire de manière significative l'utilisation des intrants chimiques tout en maintenant des rendements élevés. Cela montre qu'il est possible de produire plus, mieux et avec moins. En outre, notre engagement envers les produits sains et les emballages écoresponsables est évident, avec 93% de nos emballages qui sont recyclés, recyclables ou réutilisables, et 100% de nos recettes qui sont sans additifs nocifs, en utilisant des ingrédients naturels préparés de manière à reproduire la qualité et la simplicité des recettes faites maison, mais à une échelle industrielle.

Par ailleurs, nous nous engageons activement à réduire notre consommation de ressources clés telles que le carbone et l'eau, deux piliers essentiels de notre stratégie de durabilité à long terme. En termes de gestion du carbone, nous avons initié un plan ambitieux pour atteindre la neutralité carbone pour le Scope 2 d'ici 2025 et nous visons à étendre cet effort au Scope 3 d'ici 2035 selon les critères de l'initiative Science Based Targets (SBTi). Concernant la gestion de l'eau, cela nécessite une attention particulière non seulement dans nos processus agricoles mais aussi dans nos pratiques industrielles, notamment pour le nettoyage des machines et la production de nos produits. L'empreinte hydraulique en France nous alerte sur les futurs défis, tels que la potentialité de migrations ou de fermetures d'usines dans des régions où les ressources hydriques s'avéreront insuffisantes pour supporter une activité continue tout au long de l'année. Ces efforts font partie intégrante d'un plan de performance durable mis en place depuis 2019 dans toutes nos filiales et nos usines réparties dans 28 pays. Ce plan a été conçu pour non seulement répondre aux défis immédiats mais aussi pour préparer notre entreprise à des stratégies à long terme. 

Quelles sont les difficultés rencontrées, notamment sur la mise en place du système de réutilisation des emballages ?

Nous sommes confrontés à des défis significatifs dans la mise en œuvre d'un système de réutilisation des emballages, notamment les bocaux en verre. Bien que nous soyons favorables et activement engagés dans cette initiative pour normaliser l'usage des bocaux en verre, les obstacles logistiques demeurent importants. Le principal problème réside dans la logistique inversée, qui doit permettre de retourner les emballages vides depuis le consommateur jusqu'à l'industriel. Bien que nous ayons réussi à établir un circuit efficace du producteur au consommateur, inverser ce flux nécessite une collaboration étroite avec les distributeurs, qui doivent être prêts à investir dans des efforts logistiques pour renvoyer les bocaux vides à nos usines. La coopération des distributeurs pour faciliter le retour de ces emballages et la mise en œuvre complète de ce système reste un défi.

Intégrez-vous des start-ups ou entreprises durables pour soutenir votre évolution?

Cet aspect reste limité car nous avons opté pour une autonomie dans la gestion de ces aspects, intégrant les outils et procédures nécessaires directement dans nos systèmes internes. Bien que nous reconnaissons l'existence d'un écosystème très large de solutions innovantes et durables, notre stratégie actuelle favorise plutôt une approche indépendante.

Qu’en est-il de votre transformation digitale ?

La transformation digitale chez Andros est gérée par une approche progressive et évolutive, en passant de simples opérations informatiques à une stratégie centrée sur les systèmes d'information et, plus récemment, sur la gestion et l'exploitation des données. Avant 2015, notre informatique se concentrait principalement sur la maintenance technique. Entre 2015 et 2020, nous avons renforcé la culture des systèmes d'information (SI) dans toute l'entreprise. Depuis 2020, nous nous concentrons principalement sur la data. Actuellement, notre business intelligence (BI) est pleinement opérationnelle, déployée efficacement à travers divers départements, et soutenue par des solutions externes puissantes adaptées à nos vastes besoins de données. Enfin, en logistique, nous avons développé et déployé notre propre système d'information pour gérer avec efficacité la complexité de notre portefeuille, qui comprend une large gamme de produits sous diverses marques, tant pour les distributeurs que pour nos propres marques. 

Ainsi que votre agilité opérationnelle dans un concept en perpétuel mouvement ?

Face à l'augmentation des processus et des systèmes de gestion, et pour améliorer notre capacité à gérer les crises et l'incertitude, nous avons adopté une approche stratégique spécifique. Le concept d'agilité est souvent mal compris : plus une entreprise se formalise avec des systèmes rigides pour gérer ses processus, moins elle devient agile. Nous contrecarrons cette tendance en maintenant une part significative d'informel dans notre gestion. Nous nous considérons ainsi plus agiles que beaucoup de nos concurrents, en grande partie grâce à notre modèle d'entreprise multilocale. Cela nous permet de conserver une flexibilité opérationnelle et de réagir rapidement aux changements. Cette agilité est cruciale, surtout quand nous faisons face à des crises superposées. Au lieu de centraliser toutes les décisions dans des systèmes rigides qui pourraient ne pas s'adapter à des situations nouvelles et imprévues, nous choisissons d'investir dans nos ressources humaines et talents. Cela nous permet de gérer l'incertitude et les crises avec des coûts fixes modérés, tout en restant prêts à s'adapter et à innover selon les besoins du moment.

Comment abordez-vous la question des risques ?

La rareté des ressources, le changement réglementaire et la conformité sont des défis constants dans un environnement mondial en mutation. Par ailleurs, les risques géopolitiques n'ont jamais été aussi prégnants, surtout en ce qui concerne les enjeux alimentaires qui sont fondamentaux pour l'émancipation des sociétés. Nous avons également été confrontés à des interruptions d'activité liées à la chaîne d'approvisionnement pendant la pandémie du Covid-19 et nous faisons face aujourd'hui à des spéculations sur les matières premières qui forcent des changements dans nos modèles industriels. Traditionnellement, l'industrie fonctionnait de manière linéaire mais est maintenant extrêmement sujette à la volatilité. Par exemple, le prix du chocolat a explosé, passant de 1 800 euros à 10 000 euros le kilo. Utilisant toujours un peu de chocolat, nous devons alors répercuter ces hausses de prix, ce qui peut entraîner une forte baisse de la consommation et éventuellement la disparition de certains produits. De plus, concernant le verre et l'électricité, le coût de l'énergie est aussi un facteur déterminant. Le début de l'inflation en 2021 était principalement énergétique, pratiquement 80% du coût de revient d'un produit dépend aujourd'hui de l'énergie …  Une situation qui nous rend extrêmement dépendants du pétrole, et la moindre fluctuation de ce dernier déséquilibre tout le marché. Enfin, la cybersécurité a été un enjeu majeur pour nous. À ce titre, nous nous efforçons de protéger nos systèmes et de former nos employés pour faire face à ces risques. En résumé, nous vivons dans un monde de risques que nous nous efforçons de transformer en opportunités. 

Comment le groupe gère-t-il les défis liés au change management à l'échelle mondiale ? 

C’est devenu une partie intégrante de notre activité, car presque tous les sujets abordés relèvent désormais du change management. Cette accélération des changements nécessite un accompagnement constant des équipes pour s'adapter efficacement à ces évolutions rapides. Nous avons conservé une vision à très long terme, qui sert de guide infaillible dans nos décisions et nos actions. Cette vision, qui est notre ligne directrice, assure que nous ne dévions pas de notre cap, même si les défis immédiats peuvent sembler exigeants. Toutefois, malgré la tentation de planifier minutieusement, notre expérience nous a montré qu'il est souvent plus efficace de maintenir une flexibilité opérationnelle. Cette approche nous permet de naviguer efficacement à travers les turbulences sans perdre de vue nos objectifs à long terme.

Enfin, comment la relation avec la grande distribution évolue-t-elle ?

La relation avec la grande distribution a connu une évolution significative, notamment en termes de dynamiques de marché et de négociations, particulièrement après la pandémie. Il y a désormais une préférence marquée pour les grandes et moyennes entreprises, qui démontrent une résilience supérieure comparativement aux très petites entreprises et aux entreprises de taille intermédiaire. Par ailleurs, un changement majeur réside dans leur stratégie de renforcement de leurs propres marques, qui deviennent un actif central de leur différenciation. La relation commerciale traditionnelle a donc évolué vers une collaboration plus étroite, où l'on ne se contente plus de contractualiser de manière éphémère et de remettre en question les accords chaque année, mais où l'on cherche plutôt à établir des partenariats durables. Cette nouvelle dynamique contractuelle, qui est très récente et s'est affirmée au cours des deux dernières années, est particulièrement présente chez les acteurs indépendants et visionnaires qui cherchent à maintenir leur pérennité et à renforcer leurs marques. En revanche, les entreprises intégrées, à l'exception notable de Aldi et Lidl — des entités familiales avec une vision à long terme —, adoptent moins cette approche. 

"Il faut adopter une vision où efficacité et sobriété prévalent !"

Entretien réalisé au 1er semestre 2024 dans le cadre de l'ouvrage Comment réussir votre stratégie de triple accélération

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